mercredi 7 janvier 2009

Deux arguments cruellement absents de l'athéologie moderne

Depuis un certain temps, la course religieuse semble avoir repris un certain essort, du moins dans ma province de mon pays, où les questions d’accommodement raisonnable, par exemple, sont devenues critiques et critiquées. En fait, j’ai l’impression d’assister à un débat entre la religion et la réalité, le créateur et sa création. On croirait que l’univers, après avoir passé quelques milliards d’années à développer une race intelligente (ce texte est très anthropocentriste), se prépare à faire face à son créateur comme un adolescent qui se rebelle contre l’autorité de ses parents, qui pourtant jusque-là semblaient tout-puissants à ses yeux.

Loin de prétendre clore le débat, il me presse seulement d’apporter à la longue liste d’arguments et de contre-arguments, quelques faits que je n’ai pas eu le bonheur de voir sur ladite exhaustive liste. Et ces arguments n’ont pu être réfutés, de quelque manière que ce soit, par des fidèles venus cogner à ma porte pour m’entretenir du message des saintes écritures, alors je me permets de les croire pertinents.

Un mot de prudence dependant : j’ignore encore si je me considère athée, il me semble que je me rangerais plutôt du côté des panthéistes. Si ça peut changer quelque chose pour quelqu’un, je préfère afficher d’emblée mes couleurs et leur teinte précise.

Premier point : Si l’univers a été créé par le Big Bang, qu’y avait-il avant le Big Bang ?
(Alternative : Si Dieu n’existe pas, qu’y avait-il avant le début de l’univers ?)

Je commencerai par pointer un paradoxe de cette question. Car bien que ce soit une question, la poser exprime clairement que l’on affirme deux choses :

1. Il y avait de la matière avant le Big Bang.
2. Il y avait un avant Big Bang.

Je reviendrai sur le premier point plus tard, car c’est mon préféré. Explication du deuxième maintenant. Nous savons (presque) tous que les scientifiques arrivent à comprendre comment s’est formé l’univers à partir de (approximativement) quelques secondes après le Big Bang. Mais remonté plus loin dans le temps, les ordinateurs flabergastent et les physiciens cherchent leur mère. Pour la simple et bonne raison que non seulement au-delà de cette limite, les lois de la physique n’entendaient rien à ce qui allait bientôt devenir leur standard (que nous observons aujourd’hui), mais même le temps, cette chose abstraite que l’on représente linéaire, à ce moment-là avait plus l’air d’une lasagne passée au blender.

Le Big Bang était le début de l’univers, et le temps n’est qu’une dimension (relative, rappelons-nous en) de cet univers, et donc le temps n’a pas précédé l’existence de l’univers. Ça fait très raisonnement circulaire, je le conçois, et n’étant pas physicien moi-même je ne peux pas vous emmerder avec quinze pages de formules pas possibles qui inspireraient à Douglas Adams le chef-d’œuvre d’une époque. Mais il me paraît logique qu’il n’y a pas pu avoir un passé au Big Bang, événement qui a littéralement créé même la possibilité d’un passé !

Seconde virgule : Bon, d’accord. Mais quand même, le temps, et la matière, et « insérez ici votre liste d'épicerie » a bien dû venir de quelque part, non ?

Non.

Nous sommes habitués, depuis Héraclite, Parménides et d’autres, à penser que le vide n’existe pas, qu’il est inconcevable, que le non-être n’est pas, et que « rien ne se crée, rien ne se perd ». En fait ce n’est que partiellement vrai, pour ce qu’on en sait aujourd’hui.

Laissant de côté les considérations philosophiques de la chose pour m’attarder aux récentes découvertes scientifiques, je propose de reformuler la célèbre « rien ne se crée, rien ne se perd » par une plus juste « tout s’équilibre ». En effet, aussi saugrenu que cela puisse paraître, nous savons qu’il est parfaitement possible que de la matière naisse du vide. Comment nous le savons ? Parce que ça se fait en permanence.

Chaque fraction de seconde, quelque part dans l’univers, se créent une infinité de particules à partir du vide sidéral, mais vraiment du Vide. Il ne s’agit pas de recycler les quelques gaz et poussières en suspension dans ce presque-vide. Comment est-ce possible ? Transaction bancaire. La matière « emprunte » de l’énergie au vide pour se manifester. L’effet concret : la naissance d’une paire de particules, l’une de matière, l’autre d’antimatière. Oui, les particules ainsi manifestées ont une espérance de vie longue de quelques graines de secondes, avant de s’annuler l’une l’autre et de revenir à leur néant originel. Mais il n’est pas exclu que de telles particules ne puissent pas potentiellement atteindre une longévité raisonnable, donné un environnement propice.

Donc, pas besoin de conscience pour créer de la matière, et pas besoin non plus de matière au préalable. Le vide se suffit à lui-même.

Troisième point de suspension pour finir : quelques arguments faciles.

Ceux-là ne sont pas nouveaux, mais j’aime bien les rappeler au jour et entendre les fidèles me dire que les voies de Dieu sont impénétrables.

- Si Dieu est omnipotent, peut-il créer une pierre qu’il sera incapable de soulever ?
- Variation : Si Dieu est omnipotent, peut-il cesser d’exister (ou d’être, pour ceux qui veulent jouer avec les mots) ?
- Si Dieu est omniscient, alors il sait précisément ce qui va nous arriver à tous. Donc le jugement de tous et chacun est déjà réglé. Mais comme notre passage sur Terre est censé être une épreuve pour déterminer si nous sommes dignes de notre paradis, mais que Dieu sait déjà comment cette épreuve va se terminer, est-ce qu’il n’y a pas paradoxe ?

Annexe : Arguments de Descartes

Descartes avait un argument que je classe parmi les plus intéressants : il disait que Dieu existe car la notion de Dieu est en notre âme à tous. Un collègue autrefois avait tenté de confirmer ces dires en comparant le Créateur à une couleur.

Donc Descartes dit que Dieu existe car nous en avons l’idée. Quelqu’un aura évidemment la brillante idée de réfuter que ce n’est pas nécessairement parce que j’ai l’idée de quelque chose qu’elle existe. Ne voulant point s’engager dans une aventure psychologique et mentalement aliénante, le collègue sus-mentionné a plutôt préféré s’en remettre à la science pour lui fournir un contre-argument, lequel était ceci : pouvons-nous imaginer une couleur qui n’existe pas ? Non. Ergo, tout ce que l’on imagine doit nécessairement exister, même si ce n’est qu’un pot-pourri de plusieurs choses qui existent (un chien-arbre volant avec des poêles à frire en pépites de bananes). Donc, Descartes a raison.

Je pense que la faiblesse de cet argument saute aux yeux. Comme un carré est un rectangle sans qu’un rectangle soit nécessairement un carré, ce qu’on imagine doit nécessairement exister, complètement ou en partie, mais ce qui existe ne doit pas nécessairement être imaginable. Non, nous ne pouvons pas imaginer une couleur qui n’existe pas, mais il existe bien des couleurs que nous ne pouvons tout simplement ni percevoir, ni imaginer (infrarouges et ultraviolets).
Notons ici que tout ceci ne nous amène pas à conclure que Descartes avait tort, au contraire, l'argument tendrait à supporter sa théorie. Je serais curieux d'entendre d'autres people sur la question.

4 commentaires:

  1. Mais c'est tout bien tout drôle tout cela! Plein de théories et de réflexion et de pensage labyrinthique!

    Je ne suis pas théoricien, réflexionien ou pensien de labyrinthe, mais si j'avais à dire quelque chose ce serait ceci: avant le Big Bang il y avait... l'attente du Big Bang! Un rien, un espèce de sentiment de vide, où le temps s'arrête, comme quand l'on tarde à vouloir embrasser la fille que l'on vient de reconduire... s'est-il passé une seconde, une minute ou alors n'était-ce qu'un rien.

    M'est avis que le Big Bang avait foutuement envie d'embrasser quelqu'un et qu'il a fini par exploser. Ç'a donné ce que ç'a donné, un beau bébé qui grandit et qui grandit et qui finira bien par expirer un jour...

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  2. Justin et ses références antiques, l'univers comme un rejet spermatique ;)...

    Cela dit, je trouve le texte particulièrement pertinent! Les arguments sont clair et précis. Il n'y a pas non plus de complexité rhétorique. Je ne suis pas d'accord avec quelques minuscules détails, mais reste que le fond est là et qu'il n'y a pas de point qui serait facilement critiquable (avec l'arsenal classique de la philosophie).

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  3. Il reste que ce ne sont pas des arguments qui "manquent" à l'athéisme moderne. Les arguments présentés sont même classique de l'athéisme moderne... Cela dit, ils sont exposés de manière pertinente et claire! Bon coup!

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  4. Je serais curieux de connaître une personne qui a déjà énoncé ces arguments scientifiques. J'ai fait quelques recherches à cet effet, en vain. Enfin, si vous le voyez, dites-lui qu'il a le respect de 32 personnalités !

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