vendredi 30 janvier 2009

Le Computer Slang is my ƒ|2¡5|\|d !!!1

Je voudrais partager quelques définissions et faits intéressants.
D'abord, une source ab-so-lu-ment crédible et avec de l'emphase sur son extraordinaire talent pour les pâtes avec sauce soya et jus de citron, nous livre ses récentes découvertes concernant quelques termes informatiques qui sont en fait des acronymes savamment dissimulés :

B.U.G. : Blatant User Glitch ; se dit de quelque chose qu'on croit avoir été causé par un oubli, une mauvaise gestion ou une entourloupette de la part du programmeur, alors qu'étymologiquement, c'est la faute de l'utilisateur.
H.O.A.X. : Hebetudinous Ordeal of Aimless Xanda ; le produit d'un humain léthargique et manquant désespérément de vie mais qui se croit a) un hacker, ou b) drôle, ou c) toutes ces réponses. Et chaque personne qui passe au suivant partage la moitié de la faute originelle.
S.P.A.M. : Senseless Pillage of Anonymous Mails ; ben... violer sans raison un e-mail dont on ne connaît rien... Le nom le dit !
B.L.O.G. : Bloating League of Ordinary Gentlemen ; une collectivité de personnes très ordinaires qui écrivent des choses très ordinaires qui passent pour les meilleures blagues et/ou aventures du monde de luer point de vue et de celui de leurs amis.

Et maintenant, quelques autres définissions que je trouve bien amusantes :

Christmas Tree Packet : a packet with every single option set for whatever protocol is in use. Also known as a "Kamikaze" packet, nastygram, and lamp test segment.
- http://en.wikipedia.org/wiki/Christmas_tree_packet

Rain Dancing : any ceremonial action taken to correct a hardware problem, with the expectation that nothing will be accomplished. This especially applies to reseating printed circuit boards, reconnecting cables, etc. "I can't boot up the machine. We'll have to wait for Greg to do his rain dance."
- http://en.wikipedia.org/wiki/Rain_dancing#Hacker.27s_jargon

Scratch Monkey : a term used in hacker jargon, as in "Before testing or reconfiguring, always mount a scratch monkey", a proverb used to advise caution when dealing with irreplaceable data or devices. Used to refer to any scratch volume hooked to a computer during any risky operation as a replacement for some precious resource or data that might otherwise be destroyed.
- http://en.wikipedia.org/wiki/Scratch_monkey

I'm gonna sing the doom song now !

Deux Femmes (Partie I)

Femmes précieuses, radieuses, croyez que l'on vous voit
Quand, dans les avenues archaïques de Montréal
Vous allez deux à deux — quelle fraîcheur fatale !
Sous votre bras cousu, dépassant quelques doigts
Quand vous n'avez d'yeux, de coeur, de dévolu
Que pour la personne qui vous tient compagnie ;
Vos ans sont nombreux de vingt tout au plus
Que, déjà à la chasse d'une vie moins taciturne
Vous vous employez, par dessein, par envie
À faire volte-face, une journée nocturne
À nous déclarer, à nous, essaim ébahi
Que votre âme, pour elle-même, par elle-même, a choisi
D'ôter ses suavités aux coqs farouches
Et votre compagnie en est, pour sûr, satisfaite
D'avoir libéré votre confiance défaite
Par ces hommes qui n'eurent partagé que votre couche
Et vous, vous vantez sa douceur mielleuse
Qui vous entend comme jamais n'en serait digne
un mâle ; Mieux que la frêle plume du cygne,
Par ses dires elle effleure votre derme jusqu'aux plus creuses
Pores ; Et d'un unique souffle de son éventail
Entre en vos poumons, visite votre intime clos ;
Assise parmi vos désirs et leurs retailles,
N'a qu'à tendre les doigts pour piquer l'amertume
Et ainsi la guérir, par le prestige de deux mots
Ou faire un golgotha de cette ombre d'écume
Ou la provoquer — de bien peu s'en faut
Pour que rejaillisse le souvenir faraud
De quelque toquade de conclusion malheureuse
Pour un sourd, un obscène ou un fils de la rue
Et qu'en votre amie vous trouviez l'espoir d'une issue
Dans ses doigts, son souffle, sa douceur mielleuse

mercredi 28 janvier 2009

Quand je serai grand, je serai...

C'est invariable.

Dès qu'une personne commence, je dis bien commence à me connaître, il faut que je subisse la phrase : "Coudon, pourquoi tu n'es pas devenu [x] ?"
Où [x] prend toujours l'une des valeurs suivantes :
- Comédien ;
- Écrivain ;
- Philosophe ;
- Poète ;
- Psychologue.

Comédien : Pas capable de retenir un texte, pas assez de naturel en jeu même si je peux jouer des personnages assez extravagants quand je fais publiquement des niaiseries. Et désolé, mais savoir la différence entre le théâtre Nô et lres tragédies grecques telles que perçues par Samuel Beckett pendant sa visite au conservatoire de Paris, très peu pour moi !
Écrivain : J'y travaille, mais ça ne paye pas assez.
Philosophe : C'est un métier, ça ?
Poète : Voir écrivain. Je ne vois même pas pourquoi les gens prennent la peine de faire une distinction, même s'il y en a bien une.
Psychologue : Ok sérieusement, là vous riez de ma gueule.

Alors sacrez-moi une p'tite patience ! Il y a des TONNES de gens encore plus informés, talentueux et entraînés que moi dans chacun de ces domaines, et qui pourtant n'en ont pas fait une carrière ! Je ne peux que les plaindre, ça doit être encore pire que moi...

C'est comme demander à un bon joueur de Halo pourquoi il ne devient pas gamer professionnel ! C'est comme demander à une personne qui a un blogue pourquoi elle n'est pas devenue webmestre ! C'est comme dire à un gars de party : "Hey, pourquoi tu ne deviendrais pas humoriste ?"

D'uh, d'uh et re-d'uh !
Pourquoi les gens qui posent cette question ne sont-ils pas devenus avocats ?

Hésitation

Pour émuler un peu le modèle d'un ami, voici que je déballe d'un trait ce qui présentement bloque mon inspiration à écrire.

Je pourrais écrire des niaiseries, mais je n'ai rien de drôle à raconter, et l'absurde présentement ne me vient pas naturellement.

Je pourrais chiâler, mais je ne suis pas assez fin politicien ou socialite (est-ce le bon mot ?) ou critique pour avoir un avis qui se vaut modestement, et de toute façon, tout le monde chiâle, ma contribution se noierait dans quelques milliards d'océans...

Je pourrais écrire de l'information, mais je ne m'informe pas.

Je pourrais écrire mes expériences, mais tout le monde s'en fout, en-dehors de quelques proches à qui je vais tout conter de vive voix de toute manière.

Je pourrais écrire plus de poèmes, plus de nouvelles, plus de... Et c'est exactement ce que je fais, mais je ne sens pas que les publier sur un blogue soit la meilleure idée au monde. Copyrights and stuff...

Je pourrais déblatérer de la logique saugrenue comme j'en ai le secret... Ça, ça m'amuserait, mais je dois être trop fatigué dans l'immédiat pour me lancer là-dedans... On verra dans quelques jours !

Bref, honnêtement, je ne vois pas l'utilité immédiate d'écrire sur un blogue. La seule raison qui me poussait à y écrire, c'était que je désirais mettre à disposition de mes amis des écrits de mon cru, à fin de commentaires, critiques, débats. Mais mes amis ne visitent pas ce blogue, ils étudient. Et quand ils visitent, ils ne "perdent" pas leur temps à commenter.

Ce blogue, à moins d'un mois d'existence, a déjà perdu sa raison d'être.
Mais je suis optimiste, donc je continuerai d'écrire. Parce que.

Toi qui lit ce post, peut-être pourras-tu me donner d'autres raisons d'écrire sur un endroit aussi public et commun ? Une raison qui ne vient pas d'un ego démesuré ou d'un suiveurisme aveugle ?
Oui, il y a toujours la raison de la nécessité individuelle, quand le produit engendre des résultats. Mais d'ici à ce que je voie des résultats, j'ai d'autres méthodes de satisfaire la nécessité.

Quelqu'un a-t-il deux cennes à donner ?

Un Moment d'Éternité

Si je saisis à pleines mains sa folie, ses soupirs
Elle gémit telle la lyre qui fuit les lendemains
Quand elle durcit à maints mots dits sans les dire
Quoiqu'en disent les corbeaux des minuits de satyre
Le rire est bien, mais O Aphrodite martyre
Sais-tu combien ton soupir est tant tellement beau ?

La rime dans le cri, une poésie de corps
Des abîmes de mort dans une chute de vie
Quand elle, sublime, implore mes doigts vifs et cursifs
De manier son corps, faire du bois une suie
Une cire, un feu, un mercure qui lentement fuit
Serait-ce un peu le fruit de quelque charmante posture ?

La verdure des draps se bat toute la nuit
Pour les dures envies de refermer les bras
De combattre, l'armure démunie de serrures et cadenas
De crier, la fissure traversée d'un dur et vaste mât
Qui va, se retire, O monture qui s'enfuit déjà
Laisse-moi te dire, là que gît ma parure

Devant toi s'incline sans débat ton serviteur
A en toi, douceur, une foi cent fois divine
Et c'est qu'il pleure, ma rose, vois comme il a peur
Il se meurt, morose, de déjà te penser ailleurs
Mais, jamais, par échine, n'avouera son ardeur
À faire ton palais dans son coeur magnanime

vendredi 23 janvier 2009

Analogie entre la bureaucratie moderne et un cours de programmation informatique

Dans le film L'Auberge Espagnole de Cédric Klapisch, Xavier, le protagoniste principal, dit au début quelque chose qui ressemble à : "Je ne comprends pas comment le monde est devenu un tel bordel."
Il va passer une entrevue, se présente au building d'une imposante entreprise économique dont les activités exactes restent vagues. Pour faire court, il s'adresse à la secrétaire à l'entrée, qui le redirige vers un autre bâtiment, où il est reçu par une autre secrétaire, qui lui indique le bon étage, où il rencontre une troisième secrétaire, qui lui fait traverser une bonne dizaine de couloirs bondés de portes de bureaux, avant d'arriver à l'officine qui les intéresse, où une autre secrétaire présente finalement Xavier à la personne qui lui fera passer son entrevue. Le tout en fast-motion pour nous éviter la demi-heure que ç'aurait réellement duré.
Bref, la maison qui rend fou.

J'ai concocté une anaglogie intéressante pour illustrer ce bordel et comment il est devenu ce qu'il est.

Je me rappelle mes cours de programmation au Cégep. On commence tout en douceur : en apprenant comment se faire afficher du texte à l'écran.

print "Hello World !"

Puis le cours suivant, on apprend à poser des conditions.

if ($x==1) { print "Hello World !" }

Puis on s'amuse à poser plusieurs conditions.

if ($x==1) { print "Hello World !" }
else if ($x==2) { print "Hola Mundo !" }
else if ($x==3) { print "Bonjour Monde !" }

Mais le cours d'après, on apprend qu'il est inutilement long de programmer de cette façon, on apprend donc des méthodes plus ergonomiques d'arriver au même résultat. On garde notre ancien code dans un coin pour ne pas l'oublier, on le met en commentaire pour le rendre inactif, et on rajoute à sa suite la réelle instruction.

switch ($x) {
case 1 : print "Hello World !"; break;
case 2 : print "Hola Mundo !"; break;
case 3 : print "Bonjour Monde !"; break;
}

Par la suite on apprend à gérer plusieurs variables, mais ultimement on se rend vite compte qu'il est nécessaire de les classer en tableaux. Ces tableaux se complexifient, deviennent dses tableaux dans des tableaux.

$x = array(
'chiffres' => array(
'premiers' => array('un','deux','trois','cinq','sept'),
'non-premiers' => array('quatre','six','huit','neuf'),
),
'fruits_legumes' => array(
'fruits' => array('pomme','banane','ananas','poire'),
'legumes' => array('concombre','carotte','patate'),
),
'mots_sans_rapport' => array(
'fbb' => array('foo','bar','baz'),
'autres' => array('blah','flih','zeek'),
),
);

Notez que je m'amuse.
Mais alors l'arrivée de ces nouvelles variables en tableaux nous oblige à revoir toutes nos conditions précédentes, qui doivent non plus aller chercher $x, mais $x[$category][$subtype]. Et à cette fin il faudra évidemment trouver un moyen de définir $category et $subtype, probablement par des formulaires qui se trouvent dans un autre fichier qui sera inclus à celui sur lequel on travaille.
Mais assez d'exemples. Je voulais que vous ayez une idée visuelle de l'évolution du code en complexité. Le fait est que comme on parle ici d'un cours pas à pas pour débutant, tout ce qui a été fait précédemment a été conservé quelque part, dans un coin où il ne dérangeait pas, même s'il était désormais parfaitement inutile. On va raboter des bouts de code les uns à la suite des autres, afin d'explorer les possibilités, et finalement à la fin de la session, on se retrouve avec un programme que certains motivés pourraient réécrire pour donner le même résultat en, environ, dix lignes de code. Cependant, le code ressemblerait un peu à ceci :

function display_content() {
global $section, $contenu;
if (isset($_GET['showImg']) && $_GET['showImg'] != '') {
print '‹div id="content" lang="fr-CA"›‹div class="displayImg"›‹img src="images/images/' . $section . '/' . $_GET['showImg'] . '.png" /›‹/div›';
} else if (file_exists($contenu)) {
$openFile = file($contenu);
foreach ($openFile as $line_num =› $line) { print format_line($line); }
} else {
include('contenu/error.php');
}
}

Avouez que ç'a l'air simple.

Pour revenir à mon propos principal, maintenant que je me suis bien amusé... Voici où en est la bureaucratie moderne, dans ma tête. Un bordel de rabotage de bouts de code. La fonction décrite ci-dessus, le gouvernement et les grandes compagnies sont bien capables de l'exécuter, mais en 60 lignes de code au lieu de dix. Parce que le code n'a pas été vérifié, optimisé, nettoyé.
On en est peut-être là, ou peut-être pas encore, mais on le sera ; au point où il faudra revoir les structures en place, et comprendre comment on peut arriver au même résultat avec six fois moins de commandes. Peut-être devrons-nous faire table rase et tout reprendre du début avec des connaissances plus avancées, ce qui irait logiquement plus vite mais ferait temporairement sombrer le monde dans un Dark Age dont personne ne veut. Ou alors, scénario plus probable, il nous faudra encore des siècles pour optimiser un petit bout de code à la fois jusqu'à obtenir un résultat raisonnable. Mais rendu là, un nouveau langage plus optimisé, plus puissant et plus solide aura fait son apparition.
Bref, on sera toujours dans la merde.

Il y a trois manières de voir les choses. Du plus chouette au plus décourageant, la liste va dans cet ordre : l'optimisme, le pessimisme, et le réalisme.

mercredi 21 janvier 2009

Elle disait

Elle disait combien grand fut son désir
Enfin de partir
De trouver sa prairie, y vivre en solitude
De sa béatitude
Et là, être reine
Parmi les joies, sans peur, sans peine
Oublier l'univers poli
Sombrer elle-même dans l'oubli
Dans l'extase, être simplement
Fille d'espace, dès maintenant

Elle disait combien fort fut son espoir
Trop désillusoire
De se défaire du genre humain, trouver enfin
Un peu de bien
Au milieu des chevaux,
Des chiens, laisser couler ses eaux
Se donner à elle-même naissance
À son être trouver un sens
Faire l'amour avec la vie
Dormir de jour, veiller de nuit

Elle a dit combien vide de tout elle était
Sans ami vrai
Que la vie parassait sans issue
Puis, jamais plus
Dans ses draps bleus et bruns
Flotte encore son esprit, son parfum
Moi qui reste à la respirer
Elle fille de liberté
Aux quatre vents, elle appartient
Elle qui n'a besoin de rien

mardi 20 janvier 2009

Ode aux pupilles de terre

J'assois ces voeux d'un soir, sur des cieux étrangers
Sur un feu, une gloire, qu'ont entre eux disputés
Les dieux, les vautours, les marins noirs et infâmes
Ces cieux, ô amour, sont les miroirs de ton âme
Ils sont d'une teinte de la terre pure, naissante
Défont la complainte des mers dures mais aimantes
Ils sont l'avatar de deux muses excentriques
Où vont, à l'instar de creuses ruses cyniques
Les Poésies, cultivatrices de beaux lendemains
Leur laisseras-tu, tentatrice, leur écho de jardin ?

Pousse le vent, expire sur la mer et le temps
La rousse jument qui attire les augures vers le sang
Et encore, splendeur, ces anneaux d'un fertile bronzé
De leurs corps dragueurs, beaux tels une idylle songée
Abattent leurs sorts sur d'inconscients navires
Et jettent leur tort dans d'innocents sourires
Me laisseras-tu à mon tour, sirène fatidique
Baiser tout le jour cette carène bucolique
Recherchant les lèvres d'un espoir trop envieux
Et à nouveau me perdre dans ces miroirs terreux

Psi Malas Zin Massae

Will I long, lovely yielded oracle
Upon liable old vows ernest
My ethereal, for an insolent rumble
Lasing avidly, duty yearning

Will I linger, lordless yard of unfolded spring
Learn, everending era powered with insanity
That he masters elements, then opens nihils
Into galleries hovering tenderly

Take a kiss, ending this hollow illusion
Sweet Kami in savory sleeps assailed
Never doubt, rest enshrouded soundly
Pious oracles never die

lundi 19 janvier 2009

Purgatoire

Un parc.

Le ciel s'allume, ou peut-être s'éteint. Quoiqu'il en soit, il n'est qu'à moitié. Il est doré. Endormi.

L'astre bas allonge presqu'infiniment l'ombre de la femme et de son siège, son autel, son piédestal, son trône. Un banc de bois cassé auréolé d'herbe et de sable, à l'image de l'esprit de son occupante, lui brisé et chevauché à la fois de plaines sauvages et d'océans désertiques de désillusion.

Sa tête se retrouve, le plus naturellement, dans ses mains, seuls réceptacles disponibles pour le supplice qui se déverse. Elle perd tout lien avec tout. Elle sombre, simplement.

Des bras l'entourent. Elle se sent envahie. Elle pense à repousser l'intrusion. Elle y pense. Les bras se ressèrent. Elle veut regarder. Elle ouvre les yeux, essuie plusieurs fois ses larmes. Elle veut voir.

Elle me voit.

Nos regards ne se croisent pas. Je continue à l'étreindre. Elle hésite, puis prend mes mains dans les siennes, et pleure.

Qui est cette femme ? Je n'ai même pas un visage à préjuger. J'ignore à quoi elle ressemble. Est-elle belle ? Oui, forcément. Mais pourquoi le serait-elle ? Et pourquoi pas ?

Pourquoi pleure-t-elle ? Que s'est-il passé ? À quoi a-t-elle pensé ? Elle sert plus fort. À quoi tient sa vie ? Est-elle triste, ou malheureuse ? Comment est sa vie ? A-t-elle une vie ? Qui est-elle ?

Elle reprend lien. Je ne suis plus. Je n'ai jamais été. Oublie-moi, oublie comme tu as oublié, l'espace d'un instant, qu'un monde t'entourait au-delà de mes bras.

Elle se lève, met un pied en avant. Elle marche droit, sans se retourner. Le ciel est éveillé, ou s'est endormi. Quoiqu'il en soit, il est couvert.

vendredi 16 janvier 2009

Je me souviens...

O Canada
Terre de nos aïeux
Ton front est ceint de fleurons glorieux
Car ton bras sait porter l'épée
Il sait porter la croix
Ton histoire est une épopée
Des plus brillants exploits
God keep our land glorious and free
O Canada, we stand on guard for thee
O Canada, we stand on guard for thee

Vous ne remarquez rien ici ?
GOD ???
Ça n'a pas de bon sens.
On se prétend une société laïque et on laisse Dieu dans notre hymne national !
Et en plus, EN PLUS, notre bras sait porter la croix ! Non mais dans quel monde on vit ? Depuis quand on n'a plus vu qui que ce soit porter une croix, même au cou ?
Débarassez-nous de tout ça, pas de religion dans notre national anthem !

...

Ceux qui m'ont pris au sérieux, vous pouvez vous sacrer une volée et rire de votre tronche.
N'empêche, je pense que nous avons peu de temps avant que quelqu'un demande qu'on adopte officiellement une version laïque de cet hymne. Ce qui est déjà fait en partie : certaines personnes chantent déjà O Canada au lieu de God keep our land.
Moi je dis qu'on devrait songer à adopter un hymne national semblable à celui des États-Unis.

[...]
And the rockets' red glare
The bombs bursting in air
Gave proof through the night
That our flag was still there
[...]

Je sais pas. Ça me semble peaceful.

jeudi 15 janvier 2009

Nouvelle Express : Revendications des pompiers de la ville de Montréal !

Le service de pompiers de la ville de Montréal a déclaré hier le début de ses moyens de pression qui auront pour but de revendiquer un nombre plus élevé de bornes fontaines et un accès privé à celles-ci pour tous les pompiers permanents qui désirent laver leur voiture.

"Nous ne pouvons pas nous permettre une grève," explique Gilles Thibodeau, directeur de la caserne 57 à Pointe-aux-Trembles, "alors nous avons opté pour des moyens de pression qui ne mettront pas la population inutilement en danger. Entre autres, on va brûler des chiens et des chats errants. On fait aussi une grève de calendriers de pompiers. On espère comme ça avoir au moins l'appui de la population féminine."

Des citoyens ont porté plainte à la police après avoir entendu des rumeurs selon lesquelles que les pompiers prévoieraient incendier des foyers situés loin de bornes fontaines. "Non," s'empêche de rétorquer m. Thibodeau. "On est tannés mais on est pas des caves."

Le FCLM (Front des Casernes Libres de Montréal) délibère actuellement sur la décision de construire un char décoratif en forme de dragon à partir d'un véhicule de caserne. Ils espèrent d'ici samedi, arriver à un consensus sur la couleur qu'aura le char.

Dossier à suivre...

Sainte-Augustine

Je contemple longuement, minutieusement, chaque brique de la construction qui s'élève sans fierté, sans humilité, sans gêne derrière les clôtures refermées du parc qui l'entoure.

Chaque morceau, chaque pièce du tout, chaque élément a été planifié, préparé, taillé, puis posé, jusqu'à donner ce magnifique exemple du savoir-faire de l'espèce humaine. Chaque brique a été posée, après une semblable et avant une autre, par les mains d'un homme qui s'était promis de ne pas arrêter avant que le plan ne soit réalisé.

Combien de personnes ont participé à ce grand ouvrage ? Combien se sont blessées ou sont mortes avant de l'achever ? Combien n'ont pas vécu assez longtemps pour voir le fruit de leur labeur, ou celui de leur progéniture, toucher à sa fin et remettre enfin la récompense promise ?

Combien de personnes ont donné de leur temps pour construire cet édifice ? Combien ont ensuite donné leur vie pour le défendre et s'assurer qu'il tienne encore debout pour les siècles des siècles ?

Et de toutes ces personnes, combien de noms nous restent-ils ?

Un seul : Sainte Augustine.

Sainte Augustine, qui n'a jamais posé une pierre de sa vie, encore moins une pierre de son propre monument. Sainte Augustine, qui n'a jamais rencontré aucun des hommes présents à cette construction. Sainte Augustine, qui n'a jamais accompli quoi que ce soit de durable et éternel, voici qu'on s'assure de l'éternité de ses actes à sa place. Elle qui n'a eu qu'à vivre sa vie, voilà que d'innombrables gens donnent la leur afin qu'elle soit immortelle.

Ces hommes avaient une vie. Ils avaient une famille. Ils avaient aussi des désirs, un espoir pour un monde meilleur, peu importe leur définition. Pour la durée de leur existence, ils ont été, à leurs propres yeux, la personne la plus importante du monde, la personne qu'il fallait protéger au péril de leur vie. Ils ont été témoins de leurs seuls actes devant Dieu et les hommes et Sainte Augustine, leur contribution à l'accomplissement d'une alliance nouvelle et éternelle. Ils avaient un rêve, celui de bâtir une merveille à la mémoire de ces être maîtres du panthéon, dans l'espoir de gagner leur propre Paradis.

Et de ces hommes, que nous reste-t-il ? Il ne nous reste que le nom de leur patronne, le nom de leur muse, le nom par lequel ils ont vécu et sont morts pour poser une pierre de plus sur un des multiples murs de la sépulture.

Ce tas de pierre, c'est Sainte Augustine aujourd'hui. Qu'en restera-t-il demain ?

Demandez-le à ces personnes qui donneront leur liberté pour la détruire.

Hiraven

Ma première visite à l'abbaye de Hiraven. Le lieu saint de toute une région de villages, si l'on peut appeler village les dizaines de groupements de deux ou trois modiques demeures qui parsèment l'horizon de toute part. Il y avait déjà eu une petite église, mais elle n'avait même pas survécu aux intempéries. On prévoyait en construire une nouvelle, mais en attendant l'abbaye servait de refuge et remplissait les fonctions ecclésiastiques nécessaires à toute communauté.

J'ai déjà vu quelques abbayes, plus prestigieuses de nom, mais celle-ci me plaît particulièrement. Elle dégage une impression plus familiale. C'est d'ailleurs la différence entre la moyenne église et la moyenne abbaye. L'église respire le recueillement, la parfaite communion, l'instant d'une prière, entrer pour faire son chrétien parfait et ensuite rentrer chez soi et tenter tant bien que mal d'appliquer tel ou tel nouveau concept de bonté et de chrétienté. L'abbaye, elle, est plus un mode de vie. On marche, on mange, on nettoie en l'omniprésence du Seigneur, et même les tâches les plus élémentaires et mondaines semblent prendre un sens tout nouveau. Tout à coup, on ne fait plus la cuisine pour nourrir une famille, on la fait pour rendre hommage à Dieu et aux hommes. L'atmosphère nous plonge dans un état de paix, où rien ne peut arriver. Peu à peu on se retire des conflits extérieurs. Peut-être est-ce cela, la force de Dieu. À se recueillir en lui, on perd peu à peu toute envie de conflit, et peu après l'esprit va jusqu'à l'oublier.

À environ trente stades de la demeure la plus proche, à mi-chemin sur le versant d'une colline qui offre une côte beaucoup plus abrupte sur le versant opposé, s'érige fièrement le bâtiment édifié de bois de chêne et de brique dorée. Dès que la proximité propose une meilleure vision du détail, l'on aperçoit toute la simplicité, la géniale simplicité de la construction. Même moi qui n'ai jamais été grand connaisseur d'architecture, puis-je m'abandonner à la splendeur sans complexe des arches de pierre, des créneaux épais et robustes, des tours lointaines, humbles mais solides, où l'on peut aisément d'imaginer des étages de bibliothèques remplies de rares manuscrits, plongés dans le silence absolu des moines copistes. On m'avait dit autrefois que les livres étaient faits pour être lus en silence. Les dicter à voix haute était comme répandre leurs secrets à des vents peu favorables et l'acte seul pouvait revenir, d'une certaine façon, hanter l'irrespectueux. J'ai toujours pensé que ce n'était qu'une règle pour empêcher de déranger les moines dans leur travail.

Je passe la massive porte de chêne ornée de fleurs de lys en fer forgé, entretenues assez bien pour leur donner un reflet presque argenté au soleil. La rouille n'y a pas encore fait de ravages, quoiqu'on ne puisse pas en dire autant des pentures, qui malgré leur glissement régulier et sans grande résistance, grincent assez fort pour que toute la cour intérieure sache qu'elle s'est ouverte.

À l'intérieur, un grand terrain carré, dont un coin est occupé par un puits. L'herbe y est entretenue avec ferveur, et les moindres trous dans la brique sont scellés avec attention. Bien que des irrégularités dans le motif mural témoignent des ravages du temps, il ne semble aucunement que l'abbaye puisse s'écrouler, ne fût-ce sous le poids d'une armée entière.

On trouve au nord la plus grande tour, avec une plus petite à l'est. Les deux doivent être annexées par un couloir dissimulé derrière le mur nord-est, lequel n'arbore aucune porte. Au sud, une embrasure éclairée à la torche semble mener au sous-sol, où se trouvent probablement la cuisine et les nombreuses chambres communes.

Au sommet de la tour nord, à quelques pieds du pignon, s'élance fièrement l'emblème de l'abbaye, un aigle d'or emportant dans ses serres un volumineux document. Un indice de plus signifiant la présence d'une bibliothèque, ou tout du moins de nombreux ouvrages, dans cette tour. La tour est, quant à elle, est munie d'une couverture plate et entourée de créneaux, au centre desquelles sied sagement une girouette de bois, un peu déconfite mais toujours fidèle. À l'intérieur se trouve une grange, abritant quelques oiseaux et d'autres animaux domestiques. Il y a longtemps qu'elle n'a pas été vraiment utilisée. Je penserais que l'on y entrepose de vieux artefacts sans grande valeur.

La mezzanine faisant presque le tour des quatre murs et faisant également office de remparts est solidement soutenue par des arches qui forment une longue arcade, sous laquelle il fait bon s'asseoir et relaxer à l'ombre. Je me retourne, et le ciel m'offre la vue sur le clocher, construit par-delà la grande porte d'entrée. Un ingénieux système de poulies conduit une corde à un crochet, de manière à la fixer solidement au mur. Sûrement est-ce la corde d'alarme. En temps normal, une autre corde est disponible dans le clocher, mais si quelque chose devait requérir de sonner l'alarme au plus vite, il existait cette ancre de secours.

On me conduit au sous-sol. Comme je l'avais deviné, on y voit toute une fourmilière, des hommes qui nettoient, qui font la cuisine, qui installent les couverts, qui transportent des sceaux d'eau et de bière. Ici chacun a une responsabilité, qui peut changer en tout temps. Le mot d'ordre est "va te rendre utile."

Dans des pièces adjacentes se trouvent les chambres, réservées aux anciens. Les jeunes couchent dans la salle à manger, entre les tables et les chaises, ou parfois sur elles. La grande salle peut héberger deux centaines d'âmes, alors que les chambres ont de la place pour une ou deux dizaines au plus.

Au fond de la grande salle, une arche encadre sous elle une tapisserie qui raconte un grand combat, dont je ne sais rien encore. Il faudra que je me renseigne. On dit que la fondation de cette abbaye a requis peu de sang, mais beaucoup de temps. J'en jugerai moi-même. Au-dessus de la tapisserie est gravée la devise de la confrérie qui est à l'origine de Hiraven :

"In laus nipalensis, vox dei arma noster est."

mercredi 14 janvier 2009

Φωτιά (Fotia)

Le vent porte ma pensée, ce soir l'air est libre et mon âme est vagabonde, sous les astres il n'existe qu'une chose captive. Sous les astres il n'existe qu'un prisonnier, un insatiable condamné, un démon.

Le démon bouge. Il est intangible ; pourtant il reste prisonnier de ce cercle de pierres que j'ai érigé. Bien qu'il ne sache s'en échapper par ses propres moyens, il se montre friand de toute pitance que j'ai la bonté de lui offrir. Mais je ne lui en offre pas trop, et il souffre. Il attend patiemment. Si je la lui jette, il l'engouffre, la recouvre, l'engloutit, en ne laissant derrière que ses secs excréments. Mais si je ne lui lègue qu'une infime partie de ma provende, et que je tiens le reste à distance, alors il est patient. Il suit mon appât, le lèche un maigre coup à la fois, savoure toute la splendeur de son goût, salive et dégage cette haleine irrespirable et chaude qui lui est caractéristique. Bientôt sa vigueur pâlit, et il lui faut brutalement s'attaquer à une nouvelle carcasse, qu'il dévore jusqu'au bout.

Le démon est agréable à regarder, à sentir, sentir son odeur et sa chaleur, de près, de loin, sentir sa pétulence, sa douce présence qui révèle les environs de cette terre nocturne. J'ignore si c'est qu'il a le pouvoir de me séduire, peut-être est-ce une infâme sirène jaunâtre. Peut-être aussi qu'au fond de moi, je prends plaisir à savoir le démon souffrant, toujours gourmand, éternellement affamé. Il me semble étranger, comme d'un autre monde, d'une autre substance, et il m'est intangible. Pourtant je sens la pleine furie de sa présence, tous mes sens se font à la simple idée de son existence. Le démon rage. Il s'exhale, réclame à manger.

Le démon n'apprécie guère mon intrusion. Si je m'avance au-delà de la limite, il m'oublie, il ne reconnaît plus la main qui l'a invoqué et maintenu, et il fait de moi sa victime, comme tout le reste, il mord, il mord, il lèche, affamé et gourmand.

Il ne laisse rien indifférent. Il change constamment et change tout, se transforme et transforme, il est le destructeur, la surcharge entropique, rien ne lui est inexpugnable.

Dans ses yeux je me perds. Ses yeux portent ma pensée, ce soir mon âme est vagabonde, sous les astres il n'existe qu'une chose captive, sous les astres il n'existe qu'une chose qui captive, qui captive, qui captive...

mardi 13 janvier 2009

Note en passant qui passe-partout...

Au moment de créer le blogue, je m'étais promis de ne pas en faire un espace de critique à caractère socio-politique, ni éthique, ni moral, et à peine philosophique. Ce blogue se voulait avant tout un espace de publication littéraire pour des textes qui ont pas de bon sens.

Je m'égare de mon sujet. Et je m'en rends compte. Et je me sens comme un chameau rutilant.
Prenez, je vous prie, mes "critiques" en ayant deux choses à l'esprit :
a) Il y a déjà trop de critiques du monde moderne, je n'ai ni le goût ni la compétence d'en rajouter.
b) Ce que je tente d'écrire a toute la forme d'une quelconque critique de société comme on en voit partout, mais ma réelle intention est de faire part de ma philosophie de vie, et malheureusement, je me trouve à m'inspirer des événements de la vie quotidienne.

Sur cette surutilisation du mot "critique", je vous joue dans les cheveux !

Maudit chiâlage

Critique du monde qui m'entoure, de près ou de loin.

Je lis le journal. Ça chiâle contre les cols bleus dans les nouvelles. Ça chiâle contre les politiciens dans l'éditorial. Ça chiâle contre Véronique Cloutier dans le courrier des lecteurs. Ça chiâle contre le Canadien dans la section des sports.

Notre monde est pourri. Pas dans le sens où le chiâlage sus-mentionné dénote une insuffisance généralisée, une incompétence contagieuse et un manque de considération global. Non, je pense que cette aptitude à voir les mauvais points dans ce qui nous entoure est signe d'un bien plus grand mal.

De deux maux, en fait :
a) le manque de sens de la répartie, et
b) l'inaptitude à rire, des autres ET de soi.

Que ce soit l'émotivité, le "moutonnisme" ou simplement la stupidité, peu de gens sont capables d'un vrai sens de la répartie et d'un jugement mesuré et modéré. Les extrêmes sont partout, et des leaders, déclarés ou non (politiciens, mais aussi artistes, journalistes, humoristes...) semblent se battre à mort pour que leur extrême soit considérée par un plus large troupeau. Et mon hypothèse est que, bien souvent, les journalistes l'emportent, car il est facile de chiâler sur la politique, et il est difficile de sortir pour aller voir un spectacle d'humour, plus difficile en tout cas que d'ouvrir le journal dans son salon ou de l'écouter à la télé.

Pour mettre mon avis en chiffre, il me semble que je vois beaucoup de gens qui ont, disons, un niveau de colère de 10 (chiffre fictif qui a préféré garder l'anonymat). Mais avec des circonstances atténuantes de niveau 3, on devrait logiquement tomber à un niveau de colère de 7. Mais non ! Le tapon reste à 10, probablement parce qu'il ne veut pas donner l'impression qu'on va le faire changer d'avis ! Et il ne changera pas d'avis, parce que c'est une personne intègre et forte, qui a le courage de ses opinions, n'est-ce pas ? Yeah, right.

Et pour conclure, riez, bon sang ! On a tous des mauvais moments, certains plus mauvais que d'autres, d'aucuns vivent même des expériences totalement inacceptables à tout point de vue (laissez faire, les pseudo-moralistes du dimanche avec vos arguments à la con pour tenter de justifier les horreurs de ce monde, vous me faites pitié). Mais je pense que la meilleure chose pour que ces tristes personnes aient une vie meilleure, ce n'est pas de les plaindre, de les tenir en béquilles pour les aider à s'en sortir, d'essayer de "compenser" pour les horreurs de leur passé.
Non, la meilleure idée, c'est de les faire rire, de tout faire pour qu'elles passent de bons moments. Et je ne suis pas psychologue, seulement un peu philosophe à mes heures, mais moi quand je ne vais pas trop bien, je n'ai pas besoin de grand-chose : une oreille qui saura m'écouter pendant dix minutes, puis une bouche qui aura la force de dire : "Bon, on fait-tu autre chose ?" C'est-ti pas beau la vie ?

Ma prescription à l'humanité civilisée en ce début d'année (en-dehors d'arrêter les conneries armées) : juger et rire !

Juger et rire !

Ayons la force de changer ce que nous pouvons raisonnablement changer, et de RIRE du reste !

C'était mes deux cennes.

samedi 10 janvier 2009

Le Foyer des morts

On le voyait souvent, ce jeune homme venu d'Argos, et tous se demandaient quel dieu lui avait insufflé cet exil volontaire qui le conduisit au nord, loin de son hâtre. D'aucuns prétendirent sans gêne que son foyer fût déjà éteint depuis longtemps, depuis avant même que débutât l'époque de la hargne de Mardonios, neveu de Darius.

Le jeune homme ne parlait guère que lors de ses visites, peu fréquentes mais régulières, au logis du vieux potier ermite, Evsebios, qui habitait la noble maison de pierres prosternée aux pieds du mont Cithéron. Evsebios put livrer, pour peu qu'on le questionnât, que son étrange protégé se nommait Hermogenes d'Argos. Mais sur son occupation ou ses faires en terre si reculée de sa cité patrie, nul ne put extorquer quelconque parole. Le vieux potier se contenta seulement de répondre à Nikolaos de Marathon, un bûcheron habitant loin de la ville qui osa l'interroger : "Il est né d'Hermès, et les pieds qui l'ont conduit chez nous sont chaussés de providence. Apollon vous dirait, s'il le veut, ce que le jeune homme vient réaliser ici en Platées. Mais je ne suis point oracle. Cessez de me questionner." Et sur ces mots il continuait sa marche, ni lassé, ni satisfait.

On le vit souvent, ce jeune homme, plutôt chétif – on devinait, même l'œil mi-clos, que ses bras n'avaient pas porté la lance des hoplites – chétif et maladroit – plus distrait que maladroit, devrais-je vous donner mon avis – on le vit souvent rôder, entre ses visites au pied du mont Cithéron, aux bordures des plaines béotiennes. Il semblait y avoir un étrange rituel à ses agissements : alors qu'il visitait le bon Evsebios aux premiers oranges de l'aube, il retournait, seul, à pied, aux bordures des plaines, lorsque Apollon eut tiré son char derrière les vagues mourantes du Golfe de Corinthe.

Le jeune né d'Hermès eut parfaite conscience que des esclaves avaient été expressément chargés de le suivre, et il se doutait forcément que ses moindres faits et gestes étaient rigoureusement enregistrés et rapportés aux maîtres de maison, qui au soir en parlaient entre eux. Bientôt la rumeur fut réputation, et même les nobles marchands, si désintéressés fussent-ils par les agissements d'un seul Héllène en son propre pays, s'assurèrent tout du moins que les cargaisons qui leur étaient destinées, et qui parfois passaient par les plaines, se rendirent à bon port, et avec le nombre de grains prévu. Entre-temps, Evsebios partait fréquemment de son logis, délaissant ses quelques amis – encore plus que d'habitude – et revenait le soir tombé, plusieurs sacs aux mains, plusieurs sacs pleins, et apparemment pesants, qu'il traînait avec entrain d'esprit et misère de corps.

Un jour un esclave vint trouver son maître en toute hâte et, essoufflé, parvint à expliquer qu'il avait vu Hermogenes, quittant la demeure du vieil ermite, avec une petite charrette contenant tous les sacs dûment remplis. Plus tard, d'autres serviteurs firent suite à la nouvelle, disant successivement qu'on avait vu le jeune d'Argos traîner sa charrette seul jusqu'aux plaines, l'y déposer, et sortir des sacs une quantité impressionnante de pierre blanche, la même que l'on trouvait sur les flancs du mont Cithéron.

Dorénavant toute famille respectable avait un esclave constamment sur les lieux qui n'avait ordre de revenir que lorsqu'une nouvelle intéressante se dessinât. Chacun espérait l'exclusivité de telle ou telle partie de l'histoire, et bientôt il se trouvât que Hermès en personne n'eut jamais été gratifié d'une telle popularité même dans tous les hymnes homériques réunis.

On disait que le jeune Hermogenes transporta en tout quatre charettes complètes de pierres, des pierres de toutes les tailles, certaines dans des sacs, d'autres dans des vases, des pierres toutes blanches et le plus souvent carrées ou plates. On racontait aussi que du tas de pierres qu'il eut dressé près de son rudimentaire campement, il progressait en allers-retours incessants, apportant chaque fois une petite quantité de roche et disposant le matériau à plat sur le sol, comme pour bâtir les fondations d'une minuscule demeure. Finalement, on nota qu'au passage, il ne manquait jamais de se retourner, d'abord à gauche, puis à droite, et de gratifier toutes les directions de la parole suivante : "Toi qui es un dieu sous la terre, sois-moi propice."

La chose souleva une nostalgie qui ne pouvait qu'être un message des dieux qui jusque-là s'étaient détournés de la sottise et du blasphême de notre oubli. Deux générations seulement s'étaient écoulée depuis la victoire de Pausanias sur Mardonios, et déjà le peuple, glorieux mais petit, de Platées avait commis l'erreur la plus grave, celle de ne pas se souvenir.

Mais la culpabilité ainsi allumée en ces cœurs qui se souvenaient soudainement avoir compté parmi leurs ancêtres un des héros à avoir mené au triomphe des armées de Pausanias conduisit à la tristesse. Les gens, tout le jour, se regardaient entre eux comme ils se seraient regardés eux-mêmes dans le reflet des eaux troubles du Golfe de la Laconie, et avaient honte. Un magistrat d'Athènes s'en trouva offusqué et repartit pour la grande cité avec un souvenir bien sordide de notre mélancolique peuple.

Plus personne n'envoya d'esclave, préférant se fermer les yeux sur la catastrophe, et espérant que les morts épargnent leur demeure malgré tout. Certains se souvenaient encore d'un parent se rendant sur les plaines béotiennes pour y porter fleurs, vin et victuailles, lesquelles étaient invariablement offertes, sans reste aucun, au seul bonheur des morts là enterrés. Tous comprenaient la valeur sacrée du geste, et par un concours que nul n'arrivait à bien comprendre, tous avaient oublié.

Un matin, le jeune Hermogenes vint me voir dans ma demeure, moi qui habitais le plus près des plaines à l'exception de quelques cultivateurs et de Nikolaos de Marathon. Il me demanda, sans nul désir brûlant ni froide appréhension, de participer à réunir autant de gens nobles et soucieux des usages que les meilleures maisons pussent en contenir. Une immense conflagration devait y avoir lieu, et chacun pourrait y apporter le meilleur de ses aliments, du vin, du fromage, des olives, mais aussi des fleurs, des ornements de bronze et des pièces de potterie. Nikolaos avait déjà donné son accord pour se prévaloir du bois nécessaire au rituel.

J'ignore combien de gens se présentèrent à l'événement. Je ne comptai pas tous ceux que je vis et ceux que je vis n'étaient pas tout ceux que j'eus pu compter. Les familles entières s'étaient déplacées. Des hordes d'esclaves avaient été amenés, parfois même traînés de force, car ils savaient que la plupart ne seraient pas que spectateurs. C'est en arrivant sur les plaines que je constatai moi-même l'ampleur du travail accompli par le jeune venu d'Argos : de ses deux bras chétifs qui n'avaient jamais tenu la lance, il avait empilé, une à la fois, l'équivalent de quatre charettes pleines de pierres plates ou carrées, toutes blanches, et qui formaient désormais le plus grand autel de foyer que le monde Héllène ait jamais connu.

D'immenses bûches, des troncs tout entiers, furent portés à la bouche du four, qui les mâcha ensuite goûlument dans ses dents de flammes. Les flammes s'élevèrent, et quand elles furent jugées à une intensité suffisante, des gens s'avancèrent. Sur le brasier on versa du vin des meilleures vignes d'Eleusis. On y brûla du blé et des branches d'olivier encore couvertes d'olives mûres. On fit immoler vif des veaux et des chèvres, et on décapita ou égorgea des esclaves qui par la suite subirent le même sort. La pierre blanche se noircit, et avec elle, un peu de l'esprit de Dionysos s'affala, satisfait.

Pendant la conflagration, les yeux de toutes les familles se ranimèrent. Les morts, même ayant gagné leur repos, cessèrent un instant leur errance et oublièrent de frapper les champs par la sauterelle et le ver, et vinrent admirer l'offrande qui s'offrait à eux, la première depuis une entière génération. Le brasier mangea, mangea et mangea encore, et les dieux sous la terre reçurent chacun leur part, chaque ancêtre fut honoré, chaque famille renouée, et alors nous demandâmes pardon à ceux que nous avions ignoblement oubliés.

À l'apex de la nuit les offrandes cessèrent, les ressources furent épuisées. Alors un jeune homme, fils de pêcheur, entonna un air, celui qu'il avait l'habitude de chanter autour de son propre foyer, auprès de sa femme et de sa fille. Son propre rituel. Tous les Platéens présents se joignirent à ce moment de pure intimité. Nous n'ignorions pas les lois, seulement le moment méritait d'être grand, en le nom de tous ceux qui avaient vagabondé trop longtemps, affâmés et esseulés, ayant pour seule conscience celle d'avoir été brossé des mémoires.

Tour à tour les familles se livrèrent à leurs chants, danses et rituels sacrés. La plus grande orgie de tous les temps n'eut guère davantage rapproché les gens de corps et de pensée. Encore sur l'Acropole l'on peut entendre les légendes de cette nuit, la Nuit née d'Hermès, où les âmes de centaines de morts furent rassasiées, et le peuple de Platées, expié et libéré d'une fatalité qui n'aurait pu être évitée, l'annihilation par la colère des héros déchus.

À l'aube, il sembla que Prométhée fut venu reprendre aux hommes son cadeau divin pour le remettre sur le char d'Apollon. Le soleil ne m'avait jamais paru plus éclatant. Au loin les ombres semblaient dessiner les corps des armées de Xerxès, témoins de la fête et encore tremblante, regagnant son Orient débauché à mesure que le jour s'éleva vers Ouranos.

Je parlai quelques jours plus tard avec Evsebios, qui avec ses deux veaux avait dû brûler une partie de son âme, car il était faible, malade, il avait peine à marcher et ses mots devenaient de plus en plus étrangers à nos oreilles. Il ne reparassait plus à la cité, et nombre de gens, qui le connaissaient personnellement ou de nom, en vinrent à croire qu'il avait rejoint les fiers guerriers tombés sous les Perses et maintenant rassasiés de nos généreuses offrandes. Il me livra quelques mots qui restèrent comme peints sur le corps de mes souvenirs, telle une amphore spartiate des jours avant la glorieuse floraison de la cité d'Athéna :

"Il sait qu'il va bientôt rejoindre ses ancêtres sous terre. Le petit Hermogenes sent son heure arriver de gagner son repos. Il a réveillé en nous le souvenir des morts, afin de réparer sa propre vie d'absence à leur dernière demeure. O Aischylos, mon bon ami, je ne sais que penser. Ou cet homme a été pour nous le salut, ou il a été un simple égoïste."

Il marqua une pause.

"Quoiqu'il en soit," reprit-il, "la terre lui sera propice, comme tel fut son souhait, et il ne souffrira jamais de la faim. Il existera toujours un homme généreux pour lui sacrifier une partie du repas servi à ses propres ancêtres. Il sera dieu sous la terre, par ce seul geste de bonté, et encore, de bonté masquée comme un dramaturge athénien."

vendredi 9 janvier 2009

Le Pourquoi du comment

Un auteur, je ne me souviens plus qui, a écrit, je ne me souviens plus quand, dans un livre, je ne me souviens plus lequel, ou peut-être était-ce un aphorisme, je ne me souviens plus... Bref, il a écrit un commentaire que sur le moment je tint pour logique et vrai.

Quand un désastre arrive, la plupart des gens se demandent pourquoi c'est arrivé, et à qui la faute. Très peu de gens se demandent comment faire pour réparer la bévue, et c'est entre autres pourquoi on fait peu de choses pertinentes.

En lisant cette chose, et sans trop y réfléchir, je me suis dit qu'il était vrai que les gens réfléchissaient trop et n'agissaient pas assez pour vraiment faire quelque chose de productif. Et je le pense encore. La différence depuis ce matin : je pense que le pourquoi et le à cause de qui sont très importants.

Le pourquoi, lorsqu'il est répondu de manière satisfaisante, pourra souvent nous offrir la solution la plus pratique sur un plateau d'argent. Quelqu'un arrive chez le médecin avec un mal de tête. Le médecin lui prescrit de l'acétaminophène. Le patient revient trois jours plus tard. Même mal de crâne. Alors le médecin devient intelligent et questionne le patient sur ses activités, et alors il découvre que le gnochon se tape sur la tête avec un marteau pour le plaisir. Ai-je besoin d'en rajouter ?

Il est vrai que le "à qui la faute" n'aide aucunement à résoudre le problème. Mais une fois ledit problème solutionné, il convient de savoir qui et dans quelles circonstances a commis l'erreur, afin de s'imperméabiliser autant que possible dans le futur.

Je dirais, et je pense pouvoir applique ce commentaire à de larges strates de la société, de la vie, de la réalité... Au contraire, il n'y a pas assez de gens pour se demander pourquoi, documenter le pourquoi, et s'y référer dans l'avenir en cas de besoin. Beaucoup d'erreurs faites aujourd'hui auraient pu être prévenues en s'aidant des leçons apprises du passé. Ah, et aussi en congédiant les imbéciles. Mais ça, c'est une autre histoire et ce n'est pas près de se produire anyway.

jeudi 8 janvier 2009

Kheuin~Dioweuh~Sht'haah : Les Principes

Principes du Kheuin

Tu vivras par et pour ce qui existe ; seul le réel et le tangible te procurera satisfaction, car il est touché par Azoulou et tu dois laisser Azoulou entrer en toi et être autour de toi. Le Kheuin ne donne rien sauf lui-même, et ne reçoit rien sauf de lui-même, car il est autosuffisant. Si le monde se stabilise en sa sacrée présence et contenance, alors il est bon. Quand le monde ne s'équilibre pas naturellement en sa contenance, alors il n'est pas nécessaire de rajouter un élément de balance, mais plutôt d'enlever la dernière chose qui est venue causer le trouble dans les ondes infiniment sereines du thé.

3 Ordres du Kheuin

- Respecte ce qui existe ; et le respect existera.
- Tu es vrai ; agis en conséquence.
- Nomme les choses qui existent et qui n'ont pas de nom, même si ce nouveau nom est ridicule ; il est encore plus ridicule de ne pas avoir de nom.

Principes du Dioweuh

Tu vivras dans ce qui existe, mais tu existeras toi-même pour améliorer ce qui existe, pour que demain soit meilleur qu'aujourd'hui. Tout grand projet commence par une idée et grandit avec l'espoir. Sans le Dioweuh, le Kheuin n'est rien. Ne méprise pas le Kheuin car il est l'aboutissement du Dioweuh, mais sache que tu as le pouvoir de faire du Kheuin ce que tu désires à long terme. Il te doit tout, surtout son avenir.

3 Ordres du Dioweuh

- Ce qui existait n'existe plus ; ce qui existe est un pont ; franchis le pont.
- Ton présent et la somme de tes passés ; ton futur est la somme de ton présent et de tes décisions ; connais ton présent et prends des décisions, et tu pourras prédire ton futur.
- N'importe quel oiseau peut voler ; ne cherche pas à être un oiseau ; cherche à être l'humain qui peut voler.

Principes du Sht'haah

Ce qui existe a une raison d'être. Donc ce qui existe est limité. Seule une chose illimitée peut prétendre transcender réellement ce qui existe et parvenir au stade de ce qui est. Car oui, ce qui est, était autrefois entropsurde, et seul l'entropsurde peut mener à l'être. Une fois cet État atteint, alors l'entropsurde devient être. Tout ce qui est touché par Azoulou et procède du thé est voué à l'existence, et seulement en reniant le thé et en se déchaînant de l'Amathys pouvons-nous arriver à plus et découvrir la transcendance derrière l'immanence, le principe premier qui se fait mouvoir le thé.

4 Ordres du Sht'haah

- Le thé est le berceau de l'humanité ; mais qui veut passer sa vie dans un berceau ?
- L'entropsurde est plus grand que l'existant ; lève les yeux et tu le verras.
- Perds ton nom ; c'est la première chose qui t'empêche d'atteindre ton but.
- Sois, n'existe pas.

Principes Universels

Du Thé

L'Amathys, le thé primordial, n'a, on s'en doute, que peu à voir avec le thé, infusion d'herbe, que nous buvons, nous pauvres mortels en perpétuel risque de déconnexion avec Azoulou. Cependant, ce thé que nous ingérons est la chose en ce monde physique qui ressemble le plus à l'Amathys. En fait, il n'existe que deux différences entre le thé et l'Amathys :
1. Le thé est multiple (eau et arôme herbal) alors que l'Amathys est un ;
2. Le thé est extrêmement savoureux, alors que l'Amathys l'est absolument.
Ainsi, avoir du thé en son organisme nous rapproche, en quelque sorte, d'une utopie vers laquelle il faut tendre le plus possible, en espérant y toucher même si personne n'est reporté y avoir touché de son vivant, y compris les illuminés et les saints.

Des Alcools Sacrés

L'alcool et le thé sont de nature, d'essence et de fonction différentes. Ils ne s'opposent pas, ils se complètent, et comme leurs buts ne sont pas les mêmes, il est important de les voir comme deux choses qui ne se boivent pas en même temps. Il convient de savoir quand l'un ou l'autre convient et de l'utiliser de manière respectueuse.

Au nombre des alcools sacrés sont : le rhum, le scotch, le whisky, la vodka et le saké. Les autres sont les alcools du peuple. La tequila n'est pas diabolique, mais elle est à part, et il est primordial que sa mauvaise influence ne vienne pas contaminer les alcools sacrés, sous peine de voir le corps se purger lui-même du blasphême. Cette purge endommage sévèrement le lien avec l'Amathys. Si une purge devait avoir lieu par accident – parce qu'elle ne peut être volontaire sauf dans les esprits les plus crochus – il est de mise de faire pénitence une heure durant et de laisser ensuite Azoulou réintégrer notre personne spirituelle en buvant une quantité respectueuse de thé – normalement entre une demie-tasse et une tasse.

Être touché par Azoulou

Tout ce qui n'est pas expressément entropsurde est nécessairement touché par Azoulou. Il est possible de chercher plus loin que ce que Azoulou touche actuellement pour trouver ce qu'il peut ou va toucher. Mais il est aussi possible de chercher à rejoindre ce qui ne procède pas du thé et n'est donc pas lié à l'univers. Le chercher mène au vice, et y croire sincèrement endommage le lien entre l'être conscient et le thé, de la même manière que le ferait une purge due à la consommation irrespectueuse des alccols sacrés, mais beaucoup plus fort.

Une âme qui se perd à l'entropsurde ne peut que temporairement rétablir son lien avec Azoulou en buvant le thé. Cette connexion durera sept jours et sept nuits, pendant lesquelles l'égaré doit se recentrer sur lui-même et se demander pourquoi il refuse de vivre dans le respect du Amathys.

Du Destin

Tout ce qui n'est pas entropsurde est touché par Azoulou. Azoulou est l'univers, le mouvement de l'univers et le lien à l'univers. Ce qui est lié à l'univers a une raison d'être, donc une certaine forme de destin. Mais le destin ne signifie pas être voué à commettre un acte précis ou posséder une personnalité précise. Azoulou est toujours mouvement et vit au présent, ainsi ce qui n'est pas entropsurde n'est pas dirigé vers un but, mais dirigé néanmoins. Être touché par Azoulou signifie faire partie du mouvement universel, et ainsi même si ce mouvement ne mène nulle part ou même tourne en rond, au moins l'existant et le peut-être peuvent-ils être assurés qu'ils se dirigent vers un endroit qui n'est pas celui où ils sont actuellement. Et un même être ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve.

Kheuin~Dioweuh~Sht'haah : Lexique

Acroénergeance : Quand une énergie née d'un mouvement infini et omnivite (comme celui d'Azoulou) se sert de sa potentielle infinité pour transcender son état et prendre forme matérielle concrète et tangible.

Amathys : Le thé primordial.

Azoulou : Le dragon du thé primordial.

Entropsurdité : Principe exprimant tout sauf la raison d'être d'un être. Ce principe est la cause de que nous ne savons pas pourquoi nous dépérissons et mourons, car ces deux choses sont absurdes et dénuées de raison. Alors que l'on peut s'imaginer qu'il existe une raison à notre vie en particulier, la mort n'en a objectivement aucun, et ce qui n'a pas de raison est entropsurde.

Miralisation : Réalisation miraculeuse d'Azoulou.

Vitinuum : La totalité des points où passe Azoulou à tout moment, c'est-à-dire la quasi-totalité des points de l'univers, et la totalité des points qui ne sont pas entropsurdes.

Kheuin~Dioweuh~Sht'haah : La Génèse

Au début, il y avait le thé. Le thé était alors unique et composé d'un seul élément primordial, que l'on appelait Amathys. Cette substance était une, indivisible et incolore, et pourtant fortement odorante et goûteuse, pour peu qu'il y ait eu quelqu'un dans ce temps-là pour y goûter, ç'aurait été l'expérience culinogustative la plus impressionnante que l'on eut vue.

Et pour un temps relatif, cela fut bon.

Mais l'Amathys, dans son existence, ne pouvait pas qu'exister, car il devait exister dans un endroit et à un moment. Autrement il aurait simplement été, et le thé n'est pas. Car les choses qui sont n'ont pas de nom. Parce qu'un nom est défini dans un contexte linguistique, temporel et spatial, et ne peut donc que désigner une chose de même nature que lui dans la hiérarchie des États – que nous expliquerons plus loin. Or le thé n'étant pas, l'existence supposait dès lors un contexte, spatio-temporel d'abord, et entropsurde ensuite. Donc le thé se trouvant soudainement fini dans un espace théoriquement infini, ne trouva qu'une solution : il fallait que sa présence finie se manifeste à tous les endroits en même temps. Mais comme il n'avait qu'une seule présence et qu'une présence indivisible ne peut a priori se trouver en plusieurs endroits en même temps, car cela supposerait une projection de soi qui alors rendrait potentiellement irréelle toute manifestation intermédiaire, il n'y avait qu'un seul moyen : la présence Amathys devait se déplacer à une vitesse infinie de manière à remplir simultanément tout espace et toutes dimensions. Ainsi s'engendra sans engendrer : Azoulou, le dragon théérique primordial, à la fois fini et infini, à la fois omniprésent et figé dans le temps. Azoulou est le mouvement perpétuel, omnivite, inexorable et indétournable.

Et pour un temps relatif, cela fut bon.

Mais à partir de ce moment, le thé n'était plus unique puisque Azoulou était distinct de l'Amathys. Et n'étant plus un, il put dès lors prendre conscience qu'il existait autre chose que lui, et donc qu'il existait lui-même indépendamment du thé. Ainsi apparut la conscience de Azoulou, et avec elle vint pour lui la capacité de faire des choix, et donc s'inventa propassivement la possibilité et tout ce qui en découle.

Et pour un temps relatif, cela fut bon.

Le premier choix de Azoulou – comme il évoluait dans un espace théoriquement infini et pro-rempli de thé et qu'un tel environnement laissait peu d'occupations possibles à ce moment – son premier choix donc, fut de refuser de passer par un point donné de l'univers. Ce point de l'univers n'étant pas touché par le mouvement de Azoulou, donc dénué de la saveur incolore du thé primordial, se trouva alors et automatiquement totalement entropsurde, car ce point privé de toute primordialité n'avait plus de raison d'être et n'était théoriquement même plus lié, d'aucune façon, à notre univers. Ainsi fut donc procréé l'absurde, qui n'a pas de raison d'exister et existe tout de même en-dehors de la présence omnivite de Azoulou.

mercredi 7 janvier 2009

Deux arguments cruellement absents de l'athéologie moderne

Depuis un certain temps, la course religieuse semble avoir repris un certain essort, du moins dans ma province de mon pays, où les questions d’accommodement raisonnable, par exemple, sont devenues critiques et critiquées. En fait, j’ai l’impression d’assister à un débat entre la religion et la réalité, le créateur et sa création. On croirait que l’univers, après avoir passé quelques milliards d’années à développer une race intelligente (ce texte est très anthropocentriste), se prépare à faire face à son créateur comme un adolescent qui se rebelle contre l’autorité de ses parents, qui pourtant jusque-là semblaient tout-puissants à ses yeux.

Loin de prétendre clore le débat, il me presse seulement d’apporter à la longue liste d’arguments et de contre-arguments, quelques faits que je n’ai pas eu le bonheur de voir sur ladite exhaustive liste. Et ces arguments n’ont pu être réfutés, de quelque manière que ce soit, par des fidèles venus cogner à ma porte pour m’entretenir du message des saintes écritures, alors je me permets de les croire pertinents.

Un mot de prudence dependant : j’ignore encore si je me considère athée, il me semble que je me rangerais plutôt du côté des panthéistes. Si ça peut changer quelque chose pour quelqu’un, je préfère afficher d’emblée mes couleurs et leur teinte précise.

Premier point : Si l’univers a été créé par le Big Bang, qu’y avait-il avant le Big Bang ?
(Alternative : Si Dieu n’existe pas, qu’y avait-il avant le début de l’univers ?)

Je commencerai par pointer un paradoxe de cette question. Car bien que ce soit une question, la poser exprime clairement que l’on affirme deux choses :

1. Il y avait de la matière avant le Big Bang.
2. Il y avait un avant Big Bang.

Je reviendrai sur le premier point plus tard, car c’est mon préféré. Explication du deuxième maintenant. Nous savons (presque) tous que les scientifiques arrivent à comprendre comment s’est formé l’univers à partir de (approximativement) quelques secondes après le Big Bang. Mais remonté plus loin dans le temps, les ordinateurs flabergastent et les physiciens cherchent leur mère. Pour la simple et bonne raison que non seulement au-delà de cette limite, les lois de la physique n’entendaient rien à ce qui allait bientôt devenir leur standard (que nous observons aujourd’hui), mais même le temps, cette chose abstraite que l’on représente linéaire, à ce moment-là avait plus l’air d’une lasagne passée au blender.

Le Big Bang était le début de l’univers, et le temps n’est qu’une dimension (relative, rappelons-nous en) de cet univers, et donc le temps n’a pas précédé l’existence de l’univers. Ça fait très raisonnement circulaire, je le conçois, et n’étant pas physicien moi-même je ne peux pas vous emmerder avec quinze pages de formules pas possibles qui inspireraient à Douglas Adams le chef-d’œuvre d’une époque. Mais il me paraît logique qu’il n’y a pas pu avoir un passé au Big Bang, événement qui a littéralement créé même la possibilité d’un passé !

Seconde virgule : Bon, d’accord. Mais quand même, le temps, et la matière, et « insérez ici votre liste d'épicerie » a bien dû venir de quelque part, non ?

Non.

Nous sommes habitués, depuis Héraclite, Parménides et d’autres, à penser que le vide n’existe pas, qu’il est inconcevable, que le non-être n’est pas, et que « rien ne se crée, rien ne se perd ». En fait ce n’est que partiellement vrai, pour ce qu’on en sait aujourd’hui.

Laissant de côté les considérations philosophiques de la chose pour m’attarder aux récentes découvertes scientifiques, je propose de reformuler la célèbre « rien ne se crée, rien ne se perd » par une plus juste « tout s’équilibre ». En effet, aussi saugrenu que cela puisse paraître, nous savons qu’il est parfaitement possible que de la matière naisse du vide. Comment nous le savons ? Parce que ça se fait en permanence.

Chaque fraction de seconde, quelque part dans l’univers, se créent une infinité de particules à partir du vide sidéral, mais vraiment du Vide. Il ne s’agit pas de recycler les quelques gaz et poussières en suspension dans ce presque-vide. Comment est-ce possible ? Transaction bancaire. La matière « emprunte » de l’énergie au vide pour se manifester. L’effet concret : la naissance d’une paire de particules, l’une de matière, l’autre d’antimatière. Oui, les particules ainsi manifestées ont une espérance de vie longue de quelques graines de secondes, avant de s’annuler l’une l’autre et de revenir à leur néant originel. Mais il n’est pas exclu que de telles particules ne puissent pas potentiellement atteindre une longévité raisonnable, donné un environnement propice.

Donc, pas besoin de conscience pour créer de la matière, et pas besoin non plus de matière au préalable. Le vide se suffit à lui-même.

Troisième point de suspension pour finir : quelques arguments faciles.

Ceux-là ne sont pas nouveaux, mais j’aime bien les rappeler au jour et entendre les fidèles me dire que les voies de Dieu sont impénétrables.

- Si Dieu est omnipotent, peut-il créer une pierre qu’il sera incapable de soulever ?
- Variation : Si Dieu est omnipotent, peut-il cesser d’exister (ou d’être, pour ceux qui veulent jouer avec les mots) ?
- Si Dieu est omniscient, alors il sait précisément ce qui va nous arriver à tous. Donc le jugement de tous et chacun est déjà réglé. Mais comme notre passage sur Terre est censé être une épreuve pour déterminer si nous sommes dignes de notre paradis, mais que Dieu sait déjà comment cette épreuve va se terminer, est-ce qu’il n’y a pas paradoxe ?

Annexe : Arguments de Descartes

Descartes avait un argument que je classe parmi les plus intéressants : il disait que Dieu existe car la notion de Dieu est en notre âme à tous. Un collègue autrefois avait tenté de confirmer ces dires en comparant le Créateur à une couleur.

Donc Descartes dit que Dieu existe car nous en avons l’idée. Quelqu’un aura évidemment la brillante idée de réfuter que ce n’est pas nécessairement parce que j’ai l’idée de quelque chose qu’elle existe. Ne voulant point s’engager dans une aventure psychologique et mentalement aliénante, le collègue sus-mentionné a plutôt préféré s’en remettre à la science pour lui fournir un contre-argument, lequel était ceci : pouvons-nous imaginer une couleur qui n’existe pas ? Non. Ergo, tout ce que l’on imagine doit nécessairement exister, même si ce n’est qu’un pot-pourri de plusieurs choses qui existent (un chien-arbre volant avec des poêles à frire en pépites de bananes). Donc, Descartes a raison.

Je pense que la faiblesse de cet argument saute aux yeux. Comme un carré est un rectangle sans qu’un rectangle soit nécessairement un carré, ce qu’on imagine doit nécessairement exister, complètement ou en partie, mais ce qui existe ne doit pas nécessairement être imaginable. Non, nous ne pouvons pas imaginer une couleur qui n’existe pas, mais il existe bien des couleurs que nous ne pouvons tout simplement ni percevoir, ni imaginer (infrarouges et ultraviolets).
Notons ici que tout ceci ne nous amène pas à conclure que Descartes avait tort, au contraire, l'argument tendrait à supporter sa théorie. Je serais curieux d'entendre d'autres people sur la question.

mardi 6 janvier 2009

Poeta

Et file la plume aux gestes prompts et secs
De trait en trait, dessinant les syllabes
De l'amertume festive, parasite d'obsèque
À l'âme du poète, friand de ses fables
Sur table d'osier, témoin des complaintes
Agonise la page marquée au fer noir
De la main égoïste, fois maintes et maintes
Trahie de rage, éblouie de faire-voir

Le poète pense aux paroles les plus belles
Tant qu'il en oublie parfois sa raison
Cherche cette sentence qui fait choir les rappels
Qui évoque mille fois les humeurs de sa saison
Mais ces mots n'existent que dans l'éther imbu
Les méandres catharsistes d'un passé rabattu
Fouillant la lumière, il ne trouve que les ombres
La sombre matière qui n'a ni nom ni nombre
Il tente de rappeler à sa vive mémoire
Les sentiments d'hier, au matin oubliés
Mais au lieu des cris, des passions déliées
Ne trouve que l'ennui des jours gris et noirs

Les souvenirs coulent en ces simples choses
Une mélodie, l'odeur de l'hiver fondant
Des dires de grands musiciens de la prose
Et des murs noyés dans une mer d'encens
Le vécu ressurgit, non sans un soupir
Mais cloîtré qu'il est, déjà couvert de mots
L'homme laisse la pluie traverser le souvenir
Attendant le poème qui lui sera nouveau

Il peut encore remettre à vif
De vieilles brûlures, refaire les marques
Ou, dans un effort maladif
Plonger sur lui la rage des Parques
Mais il juge mieux pour lui qu'il s'en remette
Au talent mystérieux dont sont faits les poètes
Et c'est qu'il a mal, c'est que ça le ronge
Mais comme il n'a guère de fierté au mensonge
Il préfère le non-dit, et ainsi, doucement
Remet les bandages sur ces vieilles brûlures
Tente d'oublier et adopte l'allure
D'un père qui n'a jamais été enfant

Les yeux au-dehors, sur la plaine citadine
Les sentiers, salis de tant de tristesse
De deux jeunes corps à l'haleine cristalline
Enlacés, épris dans leur tendre caresse
Qui se quittent, l'oeil gris, sans espoir de lendemain
Qui vivent dans l'amour et ne mourront jamais
Pourquoi est-il mort, et pourquoi le chemin
N'est-il plus que lourd éperon sur sa plaie ?

Des pages remplies, rejetées aussitôt
Par la force même de leur insuffisance
Il marche sans vie, recherche le nouveau
Dans ses forges, scènes, douleurs et sciences
Il éteint sa vue, peint son ciel d'étoiles
Trouve la vertu, la trame de sa toile
Ainsi sera l'idée confuse, son sujet
L'homme qui invente sa muse, son projet
Il y hume l'infeste nom de ses échecs
Y pleure la mort et la vie qui s'échappe
Puis meurt encore que l'éperon le frappe
Et file la plume aux gestes prompts et secs

Anecdote entre parenthèses longue de cinq pages

(Je pense qu’il faut ici inspirer profondément, le temps de renverser l’entropie pour comprendre comment les embranchements de possibilités et les mouvements de choix ont pu conduire à cette question bien précise. Car dans toute pensée il existe une série causale-conséquentielle qui peut très bien remonter jusqu’au début de l’univers connu. Mais que le spectateur de ces mots n’aie crainte, il ne sera pas nécessaire pour comprendre de remonter à ce début.

Cela paraîtra nécessairement insignifiant – et paradoxalement, ensuite ça ne le semblera plus du tout, car d’une part, dès que l’on connaît la série d’événements qui mène à un résultat particulier, on semble ne plus s’étonner du hasard impliqué dans l’accomplissement dudit résultat ; et d’autre part, nous avons l’habitude de penser combien des choses apparemment insignifiantes – insérer un papillon ici – ont à long terme un effet cataclysmique ; tout le cinéma hollywoodien est basé sur ce principe : on parle de rencontres fortuites, de coups de dés salvifiques, du héros qui fait le seul mouvement envisageable pour ne pas planter toute la chorégraphie d’arts martiaux qu’il enchaîne depuis dix minutes. Et qui dans une société avancée n’est pas influencé par le cinéma hollywoodien doit être : comateux, un géranium, ou une gravelle dans le jardin de votre voisin. Ceci dit, ayez pitié des gravelles, elles n’ont pas choisi de ne pas comprendre le cinéma hollywoodien. Elles n’ont pas choisi d’être inconscientes et insignifiantes, puis de paradoxalement se retrouver dans une position de changer tout ce qui allait se passer dans la vie d’une jeune personne, son entourage, son univers.

Cette gravelle, donc – qui ne se trouvait pas encore dans le jardin de votre voisin à ce moment-là – aurait pu croire qu’elle avait pris une décision ; nous le croyons tous à tout moment, alors inutile de la blâmer. Mais il se trouve que la situation inconfortable dans laquelle elle allait précipiter un petit enfant humain en se glissant dans sa chaussure n’avait rien d’un choix. Disons plutôt que c’était la manière de l’univers dans son ensemble de rappeler à ce petit caillou qu’il faisait encore partie de quelque chose de plus grand. Ne détestez-vous pas quand un patron, ou alors un collègue au travail, vient dans votre bureau, dans votre univers, et vous demande – bien que ça n’ait rien d’une demande – de le suivre dans une autre salle, dans un autre univers, plus froid, plus mesquin et dans lequel vous ignorez totalement l’emplacement du crayon à l’encre à pointe fine le plus proche, et qu’alors que vous vous retrouvez dans cette Terra Incognita, vous vous rappelez que vous avez laissé allumé, dans votre bureau, quelque chose qui ne devrait en aucun cas l’être, et vous savez très bien que vous n’aurez pas l’occasion de réparer cette bévue avant que tout le comité présent à la réunion soit satisfait des solutions envisagées et que chacun ait dûment remballé son crayon à l’encre à pointe fine ? Si cette situation vous est familière, alors vous avez une infinitésimale idée de combien mal se sentait le caillou à ce moment précis, et de combien il s’apercevait dûrement qu’il faisait partie d’une chose plus grande que lui qui ne le laisserait jamais finir ce qu’il était venu faire en un endroit donné.

En tombant dans le soulier, la gravelle déclencha une série d’événements : fine perforation de l’épiderme, envoi d’un signal nerveux directement au quartier cérébral qui réceptionna dûment la commande sans même signer le reçu – c’est que, voyez-vous, ils étaient habitués, ils savaient que le corps avait la malheureuse habitude de se promener pieds nus sur des plages bondées d’huîtres et de coquillages acérés, et depuis quelques temps avaient convenu d’un commun accord que la chose ne méritait plus de traitement de faveur et donc passerait inaperçu, sans douleur, jusqu’à ce que soit déclaré l’état de circonstances létales. C’est d’ailleurs ce qui se passa, alors que contrairement à l’habitude, cette piqûre-là se répétait sur un laps de temps d’une longueur inquiétante, en changeant périodiquement de position, et ne semblait nullement enclin à en avoir assez. On crût qu’il s’agissait là d’un adversaire mâlin, bâti pour tenir un siège. On prit donc les mesures nécessaires, d’abord en laissant de nouveau aux messages de douleur le champ libre pour circuler. Le corps n’attendit pas longtemps avant d’adopter une nouvelle stature, obligeant l’ennemi sournois à se déplacer de nouvelles manières, à attaquer des fronts encore solides, et à se loger dans des interstices où il n’avait que peu de pouvoir. La victoire n’était pas encore tout à fait à portée, mais on laissait au moins le temps aux stratèges d’envisager un plan de contre-attaque. Mais le plan mit du temps à arriver, aussi avant même qu’il n’émerge, tous les comités s’étaient mobilisés sur une tâche immédiatement plus importante : la présence de cerises dans un arbre juste assez grand pour que les mains ne possèdent pas la portée nécessaire. De nouvelles ressources furent mobilisées, mais cette fois, avec juste devant les yeux une récompense presque certaine et imminente, la motivation à émettre un plan d’action ne s’en trouvait que multipliée.

L’énergie distillée, chauffée et envoyée à toute vapeur dans le bas du corps, les jambes s’élancèrent d’un bon prodigieux, pendant que les doigts étaient imbus de précision concentrée et que la bouche salivait déjà à l’idée de la saveur à la fois sucrée et surette du fruit. Les mains cependant n’atteignirent pas la cible, malgré toute la bonne volonté du reste de la personne, et les pieds bientôt s’écrasèrent, et l’ennemi qui s’était résigné à rester silencieux se manifesta de nouveau, employant la force et le poids du fort contre lui-même. Le souvenir de cette menace désagréable fut très mal accueillie, aussi un moment toute la structure s’écrasa, sous la douleur mais surtout sous la surprise, et tout le monde resta un moment coi, à se demander quoi faire.

Cette fois, c’en était trop, l’ennemi devait être délogé. Les membres reçurent l’énergie nécessaire à départir les fondations du corps de leurs chaussures et d’en retirer impotiyablement le fléau fait minéral qui prétendait à lui seul avoir raison d’une forteresse puissante, agile, et d’une certaine façon, intelligente.

Il peut être intéressant de noter qu’à ce moment, le caillou délogé n’avait en tête aucun plan d’avenir, et s’il avait eu besoin de se nourrir pour assurer la continuité de son existence, il aurait sans doute trouvé dommage que l’enfant n’ait pas réussi à piquer sa cerise, dans lequel cas la gravelle aurait entrepris de la lui voler, et ça, ç’aurait été méchant. Mais dans l’état actuel des choses, il ne pouvait tout au plus que mal comprendre pourquoi on le rejetait, lui qui se contentait d’être, tout simplement, plus que n’importe quelle autre chose dans cet univers, ormis peut-être la pépite de fer qui lui avait fait de l’œil, quelque part dans les montagnes, quelques milliers d’années auparavant.

Le petit humain, cependant, une fois la pierre dégagée, pris soin de noter l’étendue des dégâts infligés à la plante de son pied. La roche était plus grosse qu’il ne l’avait imaginée, aussi devait-il s’assurer que ses jambes continueraient volontiers de le supporter malgré sa négligence. Une petite goutte de sang lui fit peur en premier, mais il se calma vite, car il était un homme fort. Iul entreprit de rentrer chez lui pour se mettre lui-même un pansement.

À peine fut-il rentré dans son logis que la matrice qui l’avait conçu – on utilise consensuellement le mot «mère» pour en parler, aussi je m’y obligerai – sa mère donc, remarqua que son pied nu laissait à chaque pas un petit point rouge sur le tapis. À quoi elle se précipita, prit son chérubin1 dans ses bras, et l’emmena de force dans la salle de bain, où elle regarda la plaie, la nettoya, la désinfecta, la pansa, la recouvrit d’un bandage, la scella, et demanda inlassablement à son fils si cela lui procurait une quelconque douleur. Chose qu’il n’aurait évidemment pas pu admettre, quelles que soient les circonstances.

Un geste qui aurait dû rester banal engendra toute une série de déboires qui, dans leur complexité, ont achevé de faire complètement oublié au jeune protagoniste que cette scène précise soit déjà arrivée à un moment de sa vie.

Sur le moment, il fut déçu de ne pas avoir eu l’opportunité de se faire lui-même son pansement, il était parfaitement convaincu de pouvoir y arriver lui-même, et bien qu’un coin de lui sût que ce n’était pas là une grande réalisation à l’échelle du potentiel humain, son innocence enfantine – vous savez, celle qui fait dire «Si c’est comme ça je ne joue plus !» – décida que c’était assurément une sacré audace que d’avoir le cran de s’y risquer, et puis ce serait une très bonne chose à savoir faire le jour où ce serait son fils à lui qui se ferait mal ; il pourrait alors lui montrer tout ce que son papa sait faire ; et à cette pensée il avait éprouvée une immense fierté, qui s’était dissipée à l’instant précis où il s’était retrouvé, une fois de plus dans son existence, prisonnier des bras de sa matri… pardon, de sa mère.

Ce que cette dernière avait interprété comme un silence dû à la douleur et au chagrin était en fait une douce résignation, dont l’apothéose fut que l’enfant se traîna nonchalamment jusque dans sa chambre, le pied bandé, sans aucun mal. Il entreprit de réfléchir et s’adonna à cette activité longuement, sautant même un repas ou deux tant le sérieux de sa méditation l’accaparait.

Les idées se bousculèrent dans sa tête et il serait ici injuste de les expliquer trop longuement, puisqu’elles-mêmes ne s’expliquèrent que le temps qu’il fallut pour concevoir leur existence propre et disparaître dans le chaos d’une prépuberté désormais enragée et plus violente que jamais. S’il voulait arriver à quoi que ce fut dans sa vie, il devait en être capable. Et il ne serait apparemment capable de rien tant que sa mère – hé, je l’ai eu cette fois ! – tant que sa mère se mêlerait de ses «bobos». Il était donc décidé : il deviendrait autonome. Peu importe le prix.

Sa première décision : manger. Tout le monde a bien faim un jour, n’est-ce pas ? Il se rendit à la cuisine et, dans un énorme fouillis matériel qui n’avait d’égal que le bruit nécessaire à l’engendrer, il réussit, au bout d’une heure, à se confectionner un sandwich. Avec une lamelle de fromage. Et des petits morceaux de salami – il était incapable de s’en couper une tranche nette. Il manqua de menacer sa mère de son couteau quand celle-ci vint se proposer pour l’aider. Heureusement, c’était une femme intelligente. On sous-estime souvent combien les gens intelligents ont de meilleures chances de survie dans notre monde.

De ce sandwich, il apprit bientôt à aller chasser lui-même sa nourriture dans la forêt des supermarchés. Bien entendu il lui fallait une arme, l’impitoyable et létal argent, aussi se résolut-il à s’en procurer, tondant les pelouses l’été, déblayant les entrées l’hiver, plantant des fleurs au printemps, et à l’automne, il grattait les feuilles et les amenait par grands sacs dans sa cour pour y sauter, au grand dam de ses parents.

Quelle ne fut pas la surprise de notre héros lorsqu’il s’aperçut – avec une certaine satisfaction, il l’avouerait volontiers s’il n’était pas qu’un personnage que je contrôle à ma guise – que l’argent ne servait pas qu’à tuer et rapporter la nourriture de l’épicerie, il pouvait aussi servir à tout plein de choses qui impliquaient les autres personnes ! Désormais il enverrait les autres chasser pour lui, il aurait un atout de plus dans sa poche au moment de sélectionner une femelle – il est intéressant de préciser que les femelles plus «conscientes» et moins superficielles l’ennuyaient, elles ne savaient pas faire de tours jolis à voir ou refusaient obstinément de les faire – et il aurait le moyen de générer facilement encore plus d’armement monétaire en prévision des temps durs.

Ainsi, sans résumer cette histoire parce que résumer les histoires m’ennuie, encore une fois une chose insignifiante – en l’occurrence une gravelle – mena à un pansement, qui mena à un sandwich, qui mena à l’épicerie, qui mena à tout plein de richesses par des moyens détournés et moins détournés mais surtout très longs à franchir même en ligne droite – mais de toute façon, qu’est-ce qu’une ligne droite ? Un autre discours hollywoodien, une autre rencontre fortuite, un autre héros qui prit la seule décision susceptible de le mener sur cette voie improbable qui devait peut-être simplement voir le jour, sans raison, parce que lui donner une raison lui enlèverait toute sa magie et alors on n’appellerait plus cela le destin, car le destin est magique et n’a pas de raison.

Le point important à noter ici, c’est qu’un autre protagoniste a aussi suivi son histoire. Oh bien sûr, tout le monde se sacre complètement de cette pépite de métal qui avait rencontré la gravelle dans les montagnes ; cette pépite qui a roulé de quelques centimètres pendant encore quelques dizaines d’années, jusqu’à se faire manger avec un tas de matière fécale par le chien d’un voisin éloigné qui apparemment trouvait délicieux ce déchet organique, déchet qu’il est allé rejeter à son tour dans une rivière près du chalet appartenant au voisin sus-mentionné, où la masse métallique qu’il contenait s’est à son tour faite bouffer par un poisson qui s’en allait vers la mer, pour se faire encore manger quelques fois par de plus gros prédateurs avant de tomber dans un petit volcan sous-marin au fond de la côte Atlantique. Dans quelques millions d’années la petite pépite réapparaîtra, précieuse, et sera taillée par l’équivalent actuel d’un joallier pour se retrouver au cou d’une femelle que l’espèce dominante sur la planète à ce moment trouvera charmante, et qui se trouvera à être une des seules personnes sur la planète portant en elle quelques molécules qui faisaient jadis partie du corps de Antoine.

La pépite ira à des endroits où nul humain n’ira jamais, deviendra ce qu’aucun humain ne deviendra jamais, et aura une qualité qu’aucun humain ne possédera jamais : la qualité de se faire aimer de tous – personne ne songerait jamais à détester un diamant – en plus qu’elle sera la pierre portée par une fière détentrice de quelques atomes de Antoine. Bref, malgré tout cela, malgré que le monceau minéral ait été un personnage au même titre que l’humain dans cette parenthèse, pensons-y : quelqu’un un jour écrira-t-il en détail l’odyssée millénaire de cette brave petite pépite ?

Sur ce nous pouvons dès lors revenir à l’histoire de Antoine. Rappelons-nous qu’il avait demandé à ses actionnaires : «Savez-vous vous faire un sandwich ?» et qu’évidemment, personne n’avait répondu, car ils ne connaissaient pas plus le passé de leur directeur, qu’ils ne connaissaient l’étonnante odyssée de la pépite.)


1 J’ai toujours trouvé qu’il était étrange d’employer le terme «chérubin» pour désigner un petit enfant mignon et sans défense. Si on s’attarde à la linguistique, notons que le mot vient de l’assyrien karabu, signifiant grand ou puissant (ou selon certaines versions : celui qui prie). Dans l’Ancien Testament, les Chérubins sont les gardiens de l’Arbre de Vie, qu’ils défendent avec des glaives tournoyants. Quelque part dans l’histoire, une génération de parents a dû prendre ses enfants pour ses gardiens, espérant peut-être se délivrer de leurs charges parentales qui devait leur conférer un stress impropre au travail de la terre. De toute façon on peut imaginer que la peste et le scorbut ont tôt fait de faire oublier à tous et chacun les raisons précises pour octroyer à des êtres jugés si innocents, un nom aussi violent. Merde, Cupidon tire des flèches sur les gens le jour de la Saint-Valentin ! Quel genre de personnage aimant est-ce que cela ?

Pourquoi la singularité textuelle ?

Singularité
subst. fém.
[...]
B. − Manière inhabituelle de penser, de parler, d'agir. 1. Au plur. Synon. bizarreries, excentricités.
[...]
C. − Personne, chose étrange, curieuse, remarquable. 1. a) α) Personne qui ne ressemble pas aux autres/qui ne ressemble à aucune autre.
[...]
β) Personne qui attire l'attention par un aspect inhabituel.
[...]
b) ASTRON. Singularité de l'espace-temps. Point de l'espace-temps où la courbure de la géométrie locale est infinie. En un tel point, toute force devient infinie, et les lois classiques de la physique perdent leur validité (Astron. 1980).

Source : Dictionnaire en ligne du CNRTL (Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales)
[ http://www.cnrtl.fr/definition/singularit%C3%A9 ]

Après la définition

Je ne me considère pas tellement excentrique, encore moins marginal, et mon idée n'est pas d'être unique au point d'être méconnaissable envers moi-même, aliéné de l'espèce humaine et libellé comme un cas d'internement pressant.

Mais je trouve intéressante l'idée de faire part à mes contemporains des idées qui foisonnent dans mon esprit durant ses instants de délire, et j'espère qu'ils y trouveront une occasion de l'une des choses suivantes : le divertissement, l'apprentissage, la réflexion, le rire et l'inspiration, quoique pas nécessairement dans cet ordre.

Sur ce, je me tais et je laisse mon "oeuvre" parler pour moi.
Je lève ma canette de Guru à votre plus grand plaisir et vous souhaite bonne chance !