mardi 6 janvier 2009

Poeta

Et file la plume aux gestes prompts et secs
De trait en trait, dessinant les syllabes
De l'amertume festive, parasite d'obsèque
À l'âme du poète, friand de ses fables
Sur table d'osier, témoin des complaintes
Agonise la page marquée au fer noir
De la main égoïste, fois maintes et maintes
Trahie de rage, éblouie de faire-voir

Le poète pense aux paroles les plus belles
Tant qu'il en oublie parfois sa raison
Cherche cette sentence qui fait choir les rappels
Qui évoque mille fois les humeurs de sa saison
Mais ces mots n'existent que dans l'éther imbu
Les méandres catharsistes d'un passé rabattu
Fouillant la lumière, il ne trouve que les ombres
La sombre matière qui n'a ni nom ni nombre
Il tente de rappeler à sa vive mémoire
Les sentiments d'hier, au matin oubliés
Mais au lieu des cris, des passions déliées
Ne trouve que l'ennui des jours gris et noirs

Les souvenirs coulent en ces simples choses
Une mélodie, l'odeur de l'hiver fondant
Des dires de grands musiciens de la prose
Et des murs noyés dans une mer d'encens
Le vécu ressurgit, non sans un soupir
Mais cloîtré qu'il est, déjà couvert de mots
L'homme laisse la pluie traverser le souvenir
Attendant le poème qui lui sera nouveau

Il peut encore remettre à vif
De vieilles brûlures, refaire les marques
Ou, dans un effort maladif
Plonger sur lui la rage des Parques
Mais il juge mieux pour lui qu'il s'en remette
Au talent mystérieux dont sont faits les poètes
Et c'est qu'il a mal, c'est que ça le ronge
Mais comme il n'a guère de fierté au mensonge
Il préfère le non-dit, et ainsi, doucement
Remet les bandages sur ces vieilles brûlures
Tente d'oublier et adopte l'allure
D'un père qui n'a jamais été enfant

Les yeux au-dehors, sur la plaine citadine
Les sentiers, salis de tant de tristesse
De deux jeunes corps à l'haleine cristalline
Enlacés, épris dans leur tendre caresse
Qui se quittent, l'oeil gris, sans espoir de lendemain
Qui vivent dans l'amour et ne mourront jamais
Pourquoi est-il mort, et pourquoi le chemin
N'est-il plus que lourd éperon sur sa plaie ?

Des pages remplies, rejetées aussitôt
Par la force même de leur insuffisance
Il marche sans vie, recherche le nouveau
Dans ses forges, scènes, douleurs et sciences
Il éteint sa vue, peint son ciel d'étoiles
Trouve la vertu, la trame de sa toile
Ainsi sera l'idée confuse, son sujet
L'homme qui invente sa muse, son projet
Il y hume l'infeste nom de ses échecs
Y pleure la mort et la vie qui s'échappe
Puis meurt encore que l'éperon le frappe
Et file la plume aux gestes prompts et secs

1 commentaire:

  1. Juste histoire de partir le bal, donner le la de ma poésie, même s'il s'agit d'une oeuvre relativement ancienne...

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