jeudi 15 janvier 2009

Sainte-Augustine

Je contemple longuement, minutieusement, chaque brique de la construction qui s'élève sans fierté, sans humilité, sans gêne derrière les clôtures refermées du parc qui l'entoure.

Chaque morceau, chaque pièce du tout, chaque élément a été planifié, préparé, taillé, puis posé, jusqu'à donner ce magnifique exemple du savoir-faire de l'espèce humaine. Chaque brique a été posée, après une semblable et avant une autre, par les mains d'un homme qui s'était promis de ne pas arrêter avant que le plan ne soit réalisé.

Combien de personnes ont participé à ce grand ouvrage ? Combien se sont blessées ou sont mortes avant de l'achever ? Combien n'ont pas vécu assez longtemps pour voir le fruit de leur labeur, ou celui de leur progéniture, toucher à sa fin et remettre enfin la récompense promise ?

Combien de personnes ont donné de leur temps pour construire cet édifice ? Combien ont ensuite donné leur vie pour le défendre et s'assurer qu'il tienne encore debout pour les siècles des siècles ?

Et de toutes ces personnes, combien de noms nous restent-ils ?

Un seul : Sainte Augustine.

Sainte Augustine, qui n'a jamais posé une pierre de sa vie, encore moins une pierre de son propre monument. Sainte Augustine, qui n'a jamais rencontré aucun des hommes présents à cette construction. Sainte Augustine, qui n'a jamais accompli quoi que ce soit de durable et éternel, voici qu'on s'assure de l'éternité de ses actes à sa place. Elle qui n'a eu qu'à vivre sa vie, voilà que d'innombrables gens donnent la leur afin qu'elle soit immortelle.

Ces hommes avaient une vie. Ils avaient une famille. Ils avaient aussi des désirs, un espoir pour un monde meilleur, peu importe leur définition. Pour la durée de leur existence, ils ont été, à leurs propres yeux, la personne la plus importante du monde, la personne qu'il fallait protéger au péril de leur vie. Ils ont été témoins de leurs seuls actes devant Dieu et les hommes et Sainte Augustine, leur contribution à l'accomplissement d'une alliance nouvelle et éternelle. Ils avaient un rêve, celui de bâtir une merveille à la mémoire de ces être maîtres du panthéon, dans l'espoir de gagner leur propre Paradis.

Et de ces hommes, que nous reste-t-il ? Il ne nous reste que le nom de leur patronne, le nom de leur muse, le nom par lequel ils ont vécu et sont morts pour poser une pierre de plus sur un des multiples murs de la sépulture.

Ce tas de pierre, c'est Sainte Augustine aujourd'hui. Qu'en restera-t-il demain ?

Demandez-le à ces personnes qui donneront leur liberté pour la détruire.

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