mardi 17 mars 2009

Encore un billet sur la manif' du 15 mars

Vous avez bien lu. J'écris ce billet en espérant bien communiquer ma perplexité sur la question, et peut-être au passage permettre à des gens de répondre à des questions qui me tracassent. Tout le monde est invité à commenter, du gentil manifestant au fauteur de trouble au policier, tant que ça reste respectueux, évidemment.

Je commence par m'afficher : je ne suis pas allé à la manifestation, je suis plutôt allé écouter de la musique au Archambault du centre-ville et m'acheter de la peinture au Omer de Serres. Je n'ai croisé personne de qui j'aurais pu dire : "Lui, il va à la manif !", seulement le petit frère d'un de mes amis qui, lui, s'y est pointé. Le petit frère suivait à peu près le même chemin que moi.
Je n'y suis pas allé donc. Aucun intérêt là-dedans, pour tout avouer ; quoique mon ami a réussi à me vendre l'idée de me pointer un moment à la prochaine, juste pour voir de quoi ç'a l'air, et peut-être m'amuser un peu au passage. Mais cette fois-ci, aucun intérêt. Et pourtant, bien que j'affirme mon droit de ne pas m'intéresser à la chose et de ne vouloir rien avoir à y faire, je me suis retrouvé bloqué dans le métro pendant plus d'une demi-heure. Frustration, moi qui était sorti du bon pied ; mais justement, j'étais de bonne humeur, alors ç'a bien passé.
Heureusement, aucun autre événement n'est venu ponctuer mon tour au downtown. Je suis rentré la paix dans l'âme avec un métro fonctionnel.

Ceci dit, à lire les journeaux et à entendre les divers témoignages écrits et parlés, ça ne semble pas avoir été très peaceful. Je ne ressortirai pas les chiffres, vous les connaissez.

La première question que je me pose, c'est "Pourquoi ?" Oui, d'accord, pour défendre une cause, yada yada, là n'est pas ma question. Pourquoi ce moyen-là ? Comme je suis bon philosophe, voici quelques contre-arguments :

- Les gens ont peur. Quand on entend parler qu'une manifestation s'en vient, plusieurs évitent les alentours de l'événement, les commerçants vident leurs vitrines, les résidents se stationnent plus loin s'ils le peuvent, bref c'est beaucoup de trouble. Et de ce qu'on voit, avec raison. On a raison d'avoir peur. Attention, je n'accuse personne personnellement ici, si certains sont déjà en rogne, lisez l'article jusqu'à la fin, je ne fais que procéder point par point. Mais je m'imagine être un policier, et je comprends leurs réactions violentes et précipitées. Ils savent que la population a peur et que s'il arrive quoi que ce soit, ils vont manger une bonne partie de la merde. Et désolé, mais ce n'est PAS en étant peaceful dans la situation qu'ils vont s'en sauver. On est loin ici des hippies qui mettent des fleurs dans les cannons des fusils en espérant que les soldats les baissent pour leur faire un câlin. Ici, c'est un policier armé contre un manifestant armé, et aucun des deux ne refuse de baisser son arme, parce qu'ils savent tous les deux que baisser leur garde, c'est espérer que l'autre n'aura pas la brillante idée de profiter de sa chance si gratuitement offerte. Des gens se font backstabber partout pour bien moins que ça. Être un policier, je sais que je finirais par voir tout le monde comme un danger potentiel. À un certain point, est-ce que le fait que tu ne sois pas habillé en punk fait de quoi quelqu'un de moins dangereux en apparence ? Au début, oui. Mais pas une fois que la chicane a pogné. Au pire, tu te feras un peu plus respecter. Mais ça n'empêchera pas les flics de te tasser dans un coin.

- Quels sont les résultats ? Moi, quand je parle à mes amis, il y a généralement deux catégories : ceux qui sont d'accord, et ceux qui s'en foutent. L'écrasante majorité fait partie du second groupe. Quand j'en parle à mes parents et ma famille, les deux groupes deviennent : ceux qui s'en foutent, et ceux qui sont en maudit. Encore une fois, la majorité appartient au second groupe. Il s'agit de gens respectables, intelligents, éduqués et cultivés, peut-être pas dans le sens qu'ils peuvent disserter sur Kant au souper de famille à Noël, mais ils ont un bel esprit pratique et du vécu et je respecte ça. Je me dis que si un tel échantillon de notre société réagit aussi mal, que doit penser tout le reste ? Y a-t-il des gens qui se tournent vraiment en faveur de la manifestation pendant qu'elle a lieu ? Si oui, combien ?

- La manifestation fait des dégâts. C'est loin d'être tout le monde qui y contribue, j'en conviens. Mais ce que je vois dans une manif, c'est l'opportunité. On donne la parfaite excuse à des fauteurs de trouble pour faire leur travail et déverser leur haine n'importe comment. Cela me fait simplement me demander : comment quelqu'un n'a-t-il pas pu, déjà, trouver un autre moyen, tout aussi efficace, de faire parler de la cause et de faire sa "propagande" (sans péjoration ici) ? Parmi ces révolutionnaires, il y a des fans du Che à la petite semaine, mais aussides gens absolument brillants qui connaissent le système mieux que le système se connaît lui-même. Comment se fait-il que personne n'ait encore trouvé un moyen plus brillant, qui ne fournirait pas à n'importe qui la chance de s'exciter sur des combinaisons de briques et de vitrines, et qui aurait tout autant d'impact sur le système, et peut-être même davantage ? Ma théorie : c'est juste "plus l'fun" de sortir manifester entre amis.

Je tiens maintenant à souligner que je suis pour le concept de revendication de ses droits, et pour l'idée théorique de manifestation. C'est avec la pratique des manifs que je suis moins d'accord, parce qu'on sait tous très pertinemment que le plan ne survivra pas au contact avec la réalité, alors pourquoi même essayer ? Pourquoi justement ne pas employer la même énergie à trouver un autre moyen ? Je tends à croire que la force d'un révolutionnaire contre une société stagnante doit tenir à son originalité face à la staticité. Il y a probablement des idées très originales qui ressortent çà et là, et je les applaudis sans les connaître.

Finalement, je termine ce billet en offrant mes sincères félicitations au Mouton Marron. Peu avant la manifestation, il a eu la classe de conseiller à tout le monde des choses qui peuvent paraître de base pour certains, mais que j'aurais apprécié de lire si j'étais allé à la manif. Quelques petits objets pratiques à apporter, des choses niaiseuses qu'il est absolument mieux d'oublier chez soi, et surtout, un appel à la non-violence dont tout le monde aurait dû s'inspirer. Ça, c'est intelligent : faire valoir ses droits de manière ferme, mais en jouant les règles du jeu, d'une certaine manière. Et félicitations aussi pour son dernier billet, je vous encourage à le lire, c'est très bien écrit. On y sent évidemment un léger biais, mais c'est normal, je m'y attendais, et puis même ça met de la couleur. Ça montre que ce n'est pas uniquement un documentaire en son genre. Et au moins, c'est un biais qui n'insulte personne. Bref, encore une fois, réaction absolument intelligente de la part du Mouton. Je lui lève mon chapeau !

Je réitère mon invitation aux intéressés à répondre à mes questions et m'aider à me laver de mes inquiétudes. Je suis de ceux qui croient en une société meilleure, on ne me fera pas croire qu'on ne peut pas s'entendre, quand même !

5 commentaires:

  1. Note en passant :
    Le titre "Bande de voyous" en grosses lettres sur la couverture du Journal de Montréal... Pas fort. Je ne sais pas, mais il me semble que ça annonce un article d'une qualité comparable à ce qu'on retrouverait dans le "Allô Police". Même si l'article est très bon. Mais ce n'est sûrement pas le cas.

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  2. Outre toute l'argumentation que je pourrais lever pour expliquer ma participation (non-violente !) à cette manifestation, je tiens, pour l'instant, à mentionner que soulever le «léger biais» est absurde. Je conviens que pour certains individus, l'objectivité est une chose possible et que tous et toutes n'ont pas eu le loisir d'observer à quel point cette tentative pseudo-scientifique est d'un ridicule meurtrier.
    Je m'explique un peu. Être objectif (ou objective), c'est (à ce que l'on dit) décrire la réalité telle qu'elle s'est déroulée. Or, nos sens peuvent nous tromper, sans même mentionner que le point de vue d'où l'on voit n'est jamais celui de Dieu. Être détaché face à une situation, lorsqu'on la décrit, c'est aussi avoir un certain angle d'approche.
    On peu, certes, parler en termes de rigueur et on a raison de le faire. S'attarder à comparer divers points de vue, faire un wrap-up des différentes perspectives, permet de se donner un point de vue plus détaché, plus fidèle à la réalité. Mais en aucun cas on peut arriver à la sacro-sainte objectivité.
    D'ailleurs, cette idée qu'il est possible de prendre une photo en cinq sens d'un événement relève davantage de notre héritage judéo-chrétien qui nous force à croire en un être transcendant qui connaît tout qu'à un concept de sciences humaines valable. À notre mort nous seront jugéEs en fonction de notre vécu; par corollaire, Dieu sait tout de nous, de façon objective !!.
    Enfin, je crois que souligner qu'un texte à un «léger biais» est :
    1° une tentative réactionnaire pour discréditer les oppposants et opposantes à l'ordre établi;
    2° une considération paternalisante que l'on sait mieux que le texte en question;
    3° quelque chose qui devrait être fait systématiquement à tout texte, commentaire, écrit, impression (bref, n'importe quel point de vue). Ce qui reviendrait à ne pas le faire du tout et à simplement garder en tête l'essentiel : ÊTRE CRITIQUES, S'INFORMER À PLUSIEURS SOURCES, ÊTRE SCEPTIQUES ET DOUTER DE TOUT !!!!!
    Enfin, pour conclure par un bel exemple, le site du SPVM prend la peine de mentionner qu'il y a eu deux blessés parmi les rangs policiers, «alors que personne d'autre n'a été blessé lors de l'intervention». Il m'apparaît inutile et ridicule de le spécifier (mais semble-t'il ô combien nécessaire), mais «un coup d'matraque sa frappe en tabarnak !»
    Encore une fois, le 'deux poids deux mesures' de notre société favorise un groupe d'intouchables martyrisés alors qu'ils effectuaient leur job, complètement déconnectés d'une réalité qu'ils massacrent à coup de balles de plastique, de gaz lacrymogènes, de charges de cavalerie et de matraques. C'est dire, nous sommes à ce point individualistes qu'il est préférable de tuer quelqu'un pendant l'exercice de ses fonctions que de refuser une journée de salaire.
    (je tiens à mentionner ici que jusqu'à présent, aucun manifestant n'est mort; je ne souhaite pas tomber dans le sensationalisme)
    Enfin, cette journée a dû être payante pour le SPVM et la Ville de Montréal, qui se récoltent plus de 180 billets de contraventions et une journée complète payée (à temps supplémentaire ?) pour faire un peu d'exercice et se défouler contre des civilEs en colère.

    P.S. La non-féminisation du corps policier est volontaire et tient à souligner mon désarroi complet devant la présence de femmes au sein d'un corpus aussi gonflé de testostérone ambulante.

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  3. Édit : le double «enfin» pourra être utilisé afin de disqualifier mes qualités en matière de conclusion ! ;)

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  4. En tout cas je connais la fille qui a écrit l'article de Rue Frontenac sur la manif. Elle a gagné la bourse littéraire au cégep alors que c'était moi qui la méritais! Grrrr. Noée, un moment donné on se reverra!

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  5. @Steffen qui a laissé un commentaire sur un billet plus récent :

    No offense taken. Mais honnêtement, sans dire que ton commentaire n'était pas pertinent, je trouve dommage que dans tout mon billet portant sur cette manifestation, on se soit seulement attardé à deux mots : "léger biais".

    Des imbéciles se mettent à fusiller les participants à l'événement (dont tu as fait partie), et quand quelqu'un se montre réellement intéressé à poser des questions pertinentes et de manière polie et à s'informer des deux côtés avant de juger, soit on l'ignore au profit des ignares qui jettent leurs insultes à tous vents parce que manifestement ces insultes ne peuvent pas rester impunies, soit on trouve dans son commentaire matière à polémique et on fusille le curieux à son tour. Je ne dis pas ça seulement pour me plaindre de manière emo, mais parce que j'ai constaté cette réaction sur d'autres blogues, et franchement, ça me déçoit.

    Ton commentaire sur l'objectivité avait sa place, et bien que je le relègue ultimement au rang des erreurs d'interprétation de mes propos, j'admets volontiers avoir mal pesé mes mots. J'abonde en ton sens en ce qui a trait à l'objectivité, sache-le.

    Bref. Dernière déception à l'effet que je n'ai trouvé aucun article traitant de cette fameuse manifestation qui ait satisfait ma curiosité et répondu à mes questions. Je me permets de trouver cela honteux de la part d'un mouvement qui entend sensibiliser la population. Je ne pointe personne individuellement. Mais au risque de me faire haïr, je trouve que ça empeste la propagande de part et d'autre jusqu'à date, comme si les deux partis s'étaient donnés comme consigne d'être plus intense que l'autre dans sa désinformation et son "biais". Ça me décourage sérieusement de faire mon "devoir" de "bon citoyen conscient et soucieux du mieux-être de sa collectivité".

    Ceci dit, cher Steffen, je suis impatient de traiter plus longuement du sujet en ta compagnie, chose pour laquelle le temps nous a jusqu'alors cruellement manqué.

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