samedi 7 mars 2009

L'Immortel sans nez

De ses yeux éthérés aux larmes sublimées
Nourrissant le sable et ses vagues monuments
Démuni de l'organe de curiosité
Propre à s'ennivrer des effluves du printemps
Il a compté maintes pérennités de lunes
Autant de fois qu'a Vénus tracé son pentacle
Il a vu les hommes, comme les vents des dunes
Arriver, prêts à être témoins de miracles
S'exciter sur les fastes chimères de Ra
Boire à même les déferlantes du désert
Et puis repartir, la langue pâteuse, vers
Les légendes vertes d'un autre Sahara
Un autre oasis à l'incomparable gloire
Aux cieux tant vantés, qu'il ne peut que décevoir

La tête lobée, il se rappelle, insondable
Quelque preux passé, par les étoiles dépeint
Où il était craint, lui vizir fort redoutable
Un oeil vers l'avenir, de l'autre il se souvient ;
On sait l'histoire de la bête et ses énigmes
Et dans ses allures de figure de proue
Aux fières prétentions des anciens paradigmes
D'aucuns confessent encore craindre son courroux ;
De sa majesté vaine, son front impassible
Taillé dans la pierre des carrières du Tigre
Résonne un écho pour les nomades qui migrent
Une complainte dans la bourrasque inaudible :
"Vous avez verve vive d'heurter les trajets,
Vous serez déçus, mais néanmoins satisfaits..."

Le monstre hybride à l'éternelle mémoire
Connaît par coeur le nom vrai de chacun des astres
Il sait la couleur de la mort ; Et de la noire
Âme des prophètes il pressent les désastres
Pourtant, ses ailes et ses lèvres immobiles
De leur omniscience érigée comme en Babel
Refoulent les murmures et les vols habiles ;
Serein comme une victime éreintée d'Uriel
Il boit les sueurs évaporées, fume l'air pur.
Fait sans fin l'amour à une terre stérile,
Mange l'érosion de son crâne sénile,
Des pyramides ne contemple que les murs ;
Ils vont et viennent, les hommes frêles et bas
Aux pieds du dieu qui connaît, mais ne bouge pas

Tais tes passions, toi serviteur d'Anubis
Apep le tragique te contraint au silence
Dirige tes yeux éthérés vers ses abysses
Toi qui connais tout, sois affligé d'impuissance
Comme tu constates sur les routes cailleuses
Les incultes qui se prétendent philosophes
Qui se rient de la mort, de leur vie onéreuse
Et de leurs nièvreries se font des étoffes
Ils quittent le foyer, reviennent satisfaits
Proclâment miracles les plus savants trucages
Consument les décennies, zombies chronophages
Chaque âge réinventant les mêmes objets ;
Ô, éternel le bonheur de ne rien savoir,
De tout avoir à vivre, tout avoir à voir !

1 commentaire:

  1. Ce poème est pour moi une création libre, dans le sens où j'avais une intention, mais en passant je me suis permis un exercice de style, à savoir : coupler rimes masculines et rimes féminines. Trop de mes poèmes ne font pas très attention à ce détail, et bien qu'il paraisse trivial, je trouve important de tenter au moins de me soumettre aux contraintes qui ont probablement fait jurer Hugo et Baudelaire.

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