jeudi 5 mars 2009

Comprendre

Vous êtes tous morts.

Dans la rue des gens, des gens qui n'ont rien à y faire. Des zombies. Des lobotomisés. Ils marchent sans savoir où ils vont, en fait ils ne marchent pas, ils rampent. Ils traînent, leurs corps se frotte contre le sol. Sur celui-ci, la neige dans un léger craquement laisse s'échapper sa complainte. Le sol dort. Le sol ne bouge pas. Il n'est pas énervant. Mais les morts qui bougent, ça, ça m'agace.

Les choses ne sont tellement pas à leur place. Ce qui comprend dort, ce qui n'entend rien marche et écoute. Les sourds sont à l'écoute. Les muets non-sourds se taisent car eux, n'étant pas sourds, savent qu'ils n'entendent rien. Vous n'avez pas idée. Eux comprennent une chose. Comme les aveugles sont ceux qui comprennent qu'en fait on ne voit rien. Vive les aveugles, ils voient loin. Les sourds ont dans la tête la plus belle musique, les aveugles ont dans la tête les plus belles images, l'original, le vrai, l'incompréhensible. Une personne qui ne comprend pas les couleurs voit plus loin que celles-ci. Elle verra le Vide.

Car c'est tout ce qu'il y a à... C'est tout ce qu'il y a... pas...

Un s'arrête et me parle.

- Un peu de monnaie, s'il-vous-plaît ?

Il n'a pas dit "s'il-vous-plaît." Il a dit "siouplè." Je ne comprends pas ce mot. Tant mieux, ça signifie que je vois au-delà.

- Ça va bien, monsieur ?

Il interromp le fil de mes pensées.

- Tu interromps le fil de mes pensées.

- Euh... S'cusez... Vous auriez pas un peu de monnaie, même un cinq cennes, un dix cennes, hein, "siouplè ?"

Ce qu'il est agaçant avec ses néologismes. Ce qu'il est agaçant avec sa bouche qui bouge et bouge et émet des sons et OH se retourne vers quelqu'un d'autre et émet des sons et encore des sons et ne veut pas se taire pour l'amour de...

- Ça va, monsieur ? Qu'est-ce qu'il y a ?

Alors c'en est trop. Il me saoule. Il m'énerve. Je le hais. Il bouge et fait du bruit.

- Tu es mort, lui dis-je.

Et il tombe raide.

Il a compris.

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